JOSEPH DE MAISTRE MYSTIQUE

Dermenghem (Joseph de Maistre) - l’ésotérisme

Ses rapports avec le martinisme, l’illuminisme et la franc-maçonnerie.
vendredi 18 novembre 2022.
 
L’idée d’ésotérisme. - Explication allégorique des Ecritures. - La parole vivante et l’écriture morte. - Symbolisme. - Théurgie et Magie. - Les voies mystiques. Dangers des voies mentale et expérimentale ; illusions du plan astral. - La Révélation primitive. - La Science Antique. - La tradition ésotérique. - Les mystères antiques et les initiations modernes. - Rôle libérateur de la révélation chrétienne.

Da mihi intellectum, et scrutabor legem tuam. Psaume CXVIII.
 
Mysterium quod absconditum fuit a sæculis et generationibus, nunc manifestatum est. Vêpres de l’Epiphanie.

Joseph de Maistre, nous l’avons vu, estime la vérité essentiellement utile et l’erreur malfaisante en soi. « Nulle erreur ne peut être utile, comme nulle vérité ne peut nuire... Tout ce qui est nuisible en soi est faux, comme tout ce qui est utile en soi est vrai. » Mais cela ne veut pas dire que toute vérité soit toujours, selon le proverbe, bonne à dire ; et l’Evangile nous avertit de ne point jeter de perles aux pourceaux. « Ce qui trompe, en effet, sur ce point, c’est qu’on confond l’erreur avec quelque élément vrai qui s’y trouve mêlé et qui agit en bien suivant sa nature [1], malgré le mélange. » De même, « on confond encore la vérité annoncée avec la vérité reçue. » La vérité pourra nuire aussi « parce qu’on la repousse... parce qu’on la combat. » On peut l’ « exposer imprudemment » (Soirées, 6e entr). Les hommes ne sont en effet pas tous et toujours bien disposés à la recevoir. La perversion de la volonté est à la base de cette insuffisance intellectuelle. La vérité n’est pas seulement une chose abstraite, mais une force vivante qui tend naturellement « à élever l’homme, à le perfectionner, à le rendre maître de ses passions [2]. » La liberté peut en retour mésuser d’elle, et rendre dangereux le meilleur des instruments. Plus on a de science, plus on peut se rendre coupable. Le déluge suppose des crimes inouïs et ces crimes à leur tour supposent des connaissances infiniment plus hautes que les nôtres. La dégénérescence de certains sauvages semble à Maistre avoir pour cause un péché originel du second degré, « quelques-unes de ces prévarications qui ne sont plus possibles dans l’état actuel des choses, parce que nous n’en savons heureusement plus assez pour devenir coupables à ce point. »

Maistre admet donc d’une part que si rien ne nous manque pour le salut, il n’en est pas de même « du côté des connaissances divines. » Il s’attend à de futures révélations. Dieu ne s’est pas interdit toute manifestation nouvelle. Nous avons donc d’ores et déjà le droit de scruter les mystères et de chercher par delà le dogme strict une connaissance approfondie. Plutôt que d’invoquer le hasard, Maistre croit à des lois plus ou moins inconnaissables, à des actions secrètes s’opérant « dans le monde à notre insu [3] ». D’autre part, il admet formellement l’idée même d’ésotérisme c’est-à-dire d’un enseignement partiel réservé à un petit nombre d’initiés. Le Mémoire inédit à Brunswick tout entier est basé sur cette thèse. Dans ses rapports avec les Francs-Maçons et les mystiques de son temps, Maistre se considère lui-même, nous l’avons vu, toujours comme un initié, et même comme un initié supérieur ayant dépassé le troisième grade dont le but suprême est la science de l’homme avec ses « connaissances sublimes ». Il se fait fort de savoir dire, sans révéler les mystères « mille choses parfaitement claires pour les adeptes et tout à fait inintelligibles pour le reste des hommes [4]. » Il attache une grande importance à ce secret. Les écrits publiés par lui ne font que de discrètes allusions à la tradition occulte et à sa propre initiation. Dans les papiers personnels que nous avons pu consulter on trouve sans doute à ce sujet des précisions intéressantes et des données incontestables ; mais là même il suit, nous l’avons vu, le conseil de ses « frères [5] » et celui de Platon [6] et ne confie jamais à l’écriture les arcanes réservés. Il laisse nettement entendre qu’il ne serait point disposé à plaisanter à l’égard de l’adepte qui aurait manqué à son serment [7]. Pour lui le péché contre l’esprit, celui pour lequel il n’est point de pardon, c’est l’apostasie absolue, c’est-à-dire le blasphème pur de l’initié qui, après avoir reçu des « dons et des connaissances surcélestes, devient ensuite un adversaire de Dieu, par un principe de haine contre la vérité [8]. »

Maistre n’ignore pas le « génie allégorique » de l’antiquité qui créait des « personnages imaginaires, pour voiler à sa manière des vérités morales, religieuses et astronomiques [9] ». Il tient compte, pour l’étude des philosophes anciens, de « leur méthode de la double doctrine : ils en avaient une pour eux et l’autre pour le peuple ; et c’est ce qui peut expliquer en partie les contradictions qui se rencontrent dans leurs ouvrages [10]. »

L’Ecriture elle-même n’échappe pas à cette loi. Nulle vérité ne paraît plus certaine que la nécessité d’une interprétation allégorique des textes sacrés. Fabre d’Olivet n’écrivait-il pas alors sa Langue hébraïque restituée, l’un des efforts les plus pénétrants pour trouver la clef de la Genèse ? La notion des trois sens superposés (correspondant aux trois mondes) de la Bible [11] est d’ailleurs courante chez les occultistes et même beaucoup de profanes. Il peut y avoir au moins le sens positif, le sens mythique et le sens mystique. Maistre n’entendait sans doute pas abuser de cette méthode et la pousser aussi loin que certains chrétiens des premiers siècles ou certains néoplatoniciens hébraïsants. Mais le fait même de ces excès lui était une preuve que « cette doctrine avait une racine réelle que nous avons trop perdue de vue. » Il ne se servait pas en effet de l’allégorisme seulement pour mettre d’accord après coup la Bible et la science moderne [12], mais basait la légitimité de ce système sur une indiscutable tradition. « Tout est mystère, disait-il, dans les deux Testaments. » Il ne reconnaissait pas aux modernes partisans de la lettre le droit de « contredire toute l’Antiquité ecclésiastique qui nous laisse entrevoir des vérités cachées sous l’écorce des allégories. » Il invoquait l’autorité des Pères de l’Eglise, aussi bien que celle des Kabbalistes, historiens (Josephe) ou théologiens (le « fameux Maïmonide ») juifs des diverses époques [13]. Il considérait comme l’un des objets les plus élevés de l’intelligence l’exégèse ésotérique des Ecritures [14], dont la lettre tue, comme elles nous le disent elles-mêmes, mais dont l’esprit vivifie. Il jugeait évident « qu’il a plu à Dieu tantôt de laisser parler l’homme comme il voulait, suivant les idées régnantes à telle ou telle époque, et tantôt de cacher sous des formes en apparence simples et quelquefois grossières, de hauts mystères qui ne sont pas faits pour tous les yeux [15]. »

C’est précisément pour cela que l’Ecriture peut parfois devenir « un poison », lorsqu’elle est lue sans notes et sans explications [16] par une intelligence individuelle insuffisamment éclairée. C’est pour cela que l’Eglise a pour rôle d’interpréter et de mettre à la portée des fidèles la Parole écrite. C’est pour cela qu’il faut toujours en revenir « à l’autorité [17] ». Car chacun, savant ou peuple, doit trouver dans le dogme ce qui lui est nécessaire pour sa vie intérieure.

La Bible est la Parole écrite de Dieu. Aussi bien, si elle n’est pas vivifiée par la parole, l’écriture est-elle chose morte. Comme dit Platon, elle ne sait pas ce qu’il faut dire à tel homme, ce qu’il faut cacher à tel autre ; elle ne peut donner que l’apparence de la sagesse ; elle est à la parole ce que son portrait est à un être vivant. Une plume et un peu de liqueur noire ne peuvent suffire à établir une doctrine claire, complète et durable [18]. L’erreur des protestants est d’exclure la Tradition et de s’en tenir à l’Ecriture ; comme si Dieu avait pu ou voulu changer la nature des choses et communiquer à l’écriture une vie qu’elle n’a pas ; comme si l’écriture pouvait jamais devenir « parole, c’est-à-dire vie », à moins d’être vivifiée par la Parole éternellement vivante. Comme les institutions, le dogme est une chose vivante ; c’est pour cela qu’il évolue et ne peut être fixé sans inconvénients et tout entier par écrit. L’écrit n’intervient que pour ainsi dire négativement et comme un pis-aller [19]. Dieu n’a-t-il pas parlé directement à Adam, à Moïse, aux élus de l’Ancienne Loi ? Mais la corruption du peuple rendit nécessaire les livres et les lois. Le Christ a-t-il laissé un seul écrit à ses Apôtres ? « Au lieu de livre, il leur promit le Saint-Esprit [20]. » Ce sont les attaques des hérétiques et des incrédules qui obligent à codifier les croyances. Mais cela est souvent regrettable et il ne faut pas « oublier la supériorité du premier état. ». Rien ne doit se faire a priori dans ce domaine. Un code général de croyances précisées article par article serait aussi faux et aussi absurde qu’une constitution politique rédigée de toutes pièces. « Jamais l’Eglise n’a cherché à écrire ses dogmes ; toujours on l’y a forcée [21]. »

Quant aux premiers chrétiens, ils « auraient regardé comme un crime de les énoncer tous [22]. »

Il est des choses qu’il vaut mieux laisser parfois dans une « salutaire obscurité » [23]. Souvent on peut déterminer seulement un principe, mais les applications ne peuvent être définies avec précision et se refusent à toute décision écrite. On ne peut diviser l’indivisible, formuler l’indicible ; il faut prendre comme elles sont certaines expressions, dans leur « vague divin », et se garder de les « circonscrire de peur de faire naître l’idée du dedans et du dehors [24]. » S’il est vrai ‘que îa parole soit souvent impuissante, à plus forte raison Maistre a-t-il le droit de juger inadéquates les formules rigides de l’écriture.

Il serait certainement abusif de ne donner qu’une valeur symbolique à toutes les données de la révélation. Mais on ne peut la bien comprendre si l’on s’arrête toujours à la lettre en négligeant les allégories sacrées, si l’on ne casse jamais « l’écorce », avec toute la prudence nécessaire et en se résignant à ignorer malgré tout bien des choses [25]. De même on ne peut comprendre bien des usages pieux, des légendes et des récits, et l’on risquera même de s’en scandaliser, si l’on ne reconnaît en eux les symboles d’une vérité cachée. Le mythe peut même être souvent plus vrai que la réalité. « C’est la vérité dramatique qui a sa valeur indépendamment de la vérité littérale, et qui n’y gagnerait même rien [26]. » La fable est plus vraie que l’histoire. La sainte ampoule, par exemple, « est un hiéroglyphe, et il ne s’agit que de savoir lire. » Le sacre des rois témoigne de l’origine spontanée ou providentielle des institutions sociales [27]. L’ange qui, devant le pape saint Léon, effrayait Attila, n’est « pour nous autres modernes, que l’ascendant du pontife » ; mais comment peindre un ascendant ?... Au reste nous sommes tous d’accord sur le prodige un ascendant qui arrête Attila est bien aussi surnaturel qu’un ange, et qui sait même si ce sont deux choses différentes [28] ?

Il y a donc une mythologie chrétienne. « Toute religion pousse une mythologie qui lui ressemble... [29] Dans une religion sainte elle est sainte [30]... toujours chaste, toujours utile et souvent sublime ». Mais il est impossible de la confondre avec la religion proprement dite.


La tradition ésotérique dont, - si elle n’a peut-être pas une filiation aussi continue que ses tenants le proclament, - on retrouve toujours et partout des traces plus ou moins dégradées, a, au fond, pour principal but l’évolution de l’esprit vers le divin. Tel est le mobile idéal et désintéressé. Mais comme le succès est accompagné d’un épanouissement des facultés latentes et de l’accroissement des pouvoirs de l’homme sur la nature (que ce soit directement ou par l’intermédiaire des agents spirituels), cet élan retombe parfois vers la terre en ne recherchant plus que les satisfactions égoïstes des biens matériels ou de la domination. Le mysticisme devient magie, et la magie blanche se pervertit en magie noire ; la théurgie se tourne en goétie ou se vulgarise en spiritisme. L’esprit s’arrête au plan astral ambigu, au lieu de s’élever au plan divin.

C’est en effet dans le triomphe de l’esprit sur l’âme et sur le corps que, nous l’avons vu, consiste la perfection ; c’est sa libération progressive qu’il s’agit d’obtenir, et c’est cette victoire du supérieur qui entraîne la transfiguration complète de l’unité humaine, le triomphe éternel sur la mort. O Mort, où est ton aiguillon ? O Mort, où est ta victoire ? La mort a été absorbée dans la victoire [31]. Il s’agit dès cette vie de recouvrer les droits perdus depuis la chute, que ces dons de la grâce soient la jouissance de la présence divine, le commerce avec les esprits supérieurs, ou encore la domination directe sur la matière. « La loi qui veut que la volonté humaine ne puisse agir matériellement d’une manière immédiate que sur le corps qu’elle anime » est « purement accidentelle et relative à notre état d’ignorance et de corruption » (Soirées, 5e entr.).

Selon la classification des sciences mystiques, l’individu qui a complètement développé ses organes rationnels, s’aperçoit qu’il est une autre série d’organes complémentaires, permettant d’exercer des facultés différentes des cérébrales : intuition, vision directe, télépathie, prémonitions, psychométrie, extase... Sans doute ces facultés correspondent-elles au système nerveux sympathique tandis que les rationnelles se rapportent au système cérébro-spinal. Il est à cet égard bien curieux de constater la conception que se fait la science moderne de ces deux systèmes nerveux (Cf. ci-dessous, IIe part., ch. I.). Quoi qu’il en soit, la compénétration est là aussi indiscutable ; plus nous approfondissons le domaine de la vie et plus nous découvrons intime la lutte entremêlée des deux principes contraires. Le mysticisme, apparaît aussi fécond en aspects divers que la philosophie avec ses multiples systèmes. Si nous adoptons le langage des martinistes, nous voyons d’abord la voie mentale, cérébrale, de la magie cérémonielle, développant la volonté individuelle (dont Maistre connaît l’immensité des droits - Soirées, 5e entr.) et s’efforçant de commander aux esprits parfois équivoques de ia région astrale. Martinez de Pasqually est le représentant-type de cette méthode. Plus ténébreuse encore est la voie expérimentale pure, qui considère comme le plus haut degré d’évolution un fakirisme à vide, et des exercices vains de gymnastique astrale, méprise la prière, élabore des fantaisies sur les réincarnations, pousse les faux illuminés dénoncés par Maistre, les disciples de Cagliostro ou de l’Ecole du Nord, à se croire des dieux, ou bien encore engage les médiums à subir passivement l’impulsion de forces obscures. Mais ce qu’il faut c’est purifier la volonté et non pas seulement la fortifier. La voie cardiaque, centrale, préconisée par Saint-Martin, tue l’orgueil, demande l’appui des forces divines, et conduit à l’illumination vraie parle sacrifice, l’humilité, la charité et la prière. Elle est, on le comprend facilement, plus rare que n’importe quelle autre. La magie noire est plus fréquente que la magie blanche ou « divine », comme dit Maistre. Il est plus facile à l’homme perverti de « se concentrer » pour le mal, par haine, ambition ou égoïsme, que pour le bien et par amour.

Or, pour développer les facultés latentes de l’homme, pour arriver au but mystique suprême, en même temps que pour connaître certaines notions de métaphysique transcendante, les adeptes peuvent-ils compter, et dans quelle mesure, sur l’aide et la direction de sociétés initiatiques ? Existe-t-il réellement une tradition ésotérique objectivée en quelques groupes et transmise oralement de maîtres à disciples, dans le secret, depuis des siècles ? Disons tout de suite que les prétentions très catégoriques des écrivains occultistes à cet égard, paraissent un peu exagérées. N’avons-nous pas vu ces dernières années, un « mage » fameux sur les boulevards, vulgarisateur érudit d’ailleurs, mais tant soit peu charlatanesque, convaincu par sa propre verve d’être le descendant direct des grands initiés de l’Atlantide, alors qu’il avait toutes les peines du monde à établir la vraisemblance du rattachement de sa Grande Maîtrise au pur théosophe [32] dont il se réclamait ? Des assertions vraiment un peu trop fantaisistes et basées sur le sens intime le plus superbement dédaigneux des historiques contingences, ont été avancées par des auteurs qui, par ailleurs, contemplant de très haut toutes les religions positives, reprochent à celles-ci de réclamer la foi. Nous ne pouvons affirmer qu’un courant absolument ininterrompu unisse le marquis Saint-Yves d’Alveydre à l’initiation de la primitive Race Rouge, en passant par le grand Rama (ou Dionysos) père de la Race Blanche et conquérant des Indes au IXe siècle avant Jésus-Christ, par les Mystères égyptiens d’Hermès, d’où partent les embranchements de Moïse et de la Kabbale judéo-chrétienne, d’Orphée, de Pythagore et de Platon, réunis par les occultistes du Moyen-Age, les Martinistes et les Rose-Croix [33]...

Cependant la tradition ésotérique laisse entrevoir d’assez vraisemblables jalons. Essayons, avec Joseph de Maistre, de les retrouver. La tradition ésotérique, remonterait en premier lieu, comme la tradition religieuse proprement dite, à la Révélation primitive. « La vraie religion a bien plus de dix-huit siècles : elle naquit le jour que naquirent les jours ». Comme elle, la philosophie occulte remonte à « l’origine des choses et... réunit au dépôt primitif les nouveaux dons du grand Réparateur [34] ».

Les premiers hommes ont joui de connaissances supérieures [35]. C’est une erreur de croire à la barbarie primitive du genre humain [36]. L’âge d’or est un souvenir ineffaçable. D’ailleurs, « l’état de civilisation et de science, dans un certain sens, est l’état naturel et primitif de l’homme » .

Les ruines mêmes que nous retrouvons dans l’antiquité historique, de cette science primitive, intuitive et sacrée, « supérieure à la nôtre parce qu’elle commençait plus haut », ce qui la rendait même plus dangereuse, sont de nature à nous impressionner. Quelques années après Court de Gébelin et quelques années avant Saint-Yves d’Alveydre, Maistre recherche les traces de cette mystérieuse science antique, évoquant à la fois la civilisation des Etrusques, « dont les arts et la puissance vont se perdre dans l’antiquité », et celle des Egyptiens qui enseignèrent à Pythagore la cause même « de tous les phénomènes du Vésuve », et qui avaient de toute antiquité les connaissances astronomiques que nous n’avons guère fait que retrouver, et n’ignoraient sans doute même pas la « véritable forme des orbites planétaires » [37], rappelant que les anciennes traditions de l’Asie et les livres sacrés des Indous indiquent déjà, le nombre des planètes et que « les pyramides d’Egypte, rigoureusement orientées, précèdent toutes les époques certaines de l’histoire ». Le véritable système du monde était alors connu [38]. « Les arts sont des frères qui ne peuvent vivre et briller qu’ensemble ; la nation qui a pu créer des couleurs capables de résister à l’action libre de l’air pendant trente siècles, soulever à une hauteur de six cents pieds des masses qui braveraient toute notre mécanique... cette nation était nécessairement tout aussi éminente dans les autres arts, et savait même nécessairement une foule de choses que nous ne savons pas. » Mais sa science avait des bases plus hautes que les prosaïques sciences inductives reconstituées par morceaux ; des « lumières surnaturelles » l’éclairaient, la dispensaient « du travail imposé à la nôtre ». De même que l’insecte, mis “par son instinct en contact direct avec la nature, est dispensé des pénibles et lentes démarches de l’intelligente activité, de même les premiers hommes, plus près que nous de leur divine cause, a diis recentes [39] en avaient pour ainsi dire reçu avec l’existence, le langage, les idées innées, la vie sociale, la conscience morale et la science intuitive [40].

Leurs connaissances furent d’ailleurs la cause de leur perte. Sans doute devinrent-ils semblables à ces initiés qui abusent de leurs connaissances supérieures et auxquels nous avons vu Maistre faire allusion. Mais nous savons très peu de chose sur ces temps, a et même, suivant quelques conjectures plausibles, il ne nous conviendrait pas d’en savoir davantage ». Après le déluge, ces connaissances « dégagées du mal qui les avaient rendues si funestes », survécurent à la destruction du genre humain dans la famille de Noé, dont la religion fut « la plus éclairée et la plus réelle qu’il soit possible d’imaginer ». Ceux qui avaient alors à repeupler le monde, avaient besoin de « secours extraordinaires » pour vaincre les difficultés qui s’opposaient à eux. Comme dit Hippocrate, les arts furent primitivement des « grâces » accordées aux hommes par les dieux.

Mais la religion universelle primitive fut corrompue, la révélation se dégrada et la Tradition n’en transmit plus que des traces divisées et perverties. Il fallut la révélation mosaïque, puis celle du Christ pour restaurer la religion « universelle ». Les connaissances supérieures qui se rapportaient plus ou moins à elle, mais ne faisaient pas corps avec elle, évoluèrent semblablement. Maistre n’a pas besoin de faire appel aux fabuleux Atlantes s pour expliquer l’unité d’une même tradition sous des apparences multiplement diverses, ni même d’invoquer le grand Empire synarchique du Bélier fondé par Ram ; il sait qu’avant de se disperser, l’humanité parlait toute entière la même langue. Il croit trouver en Chaldée le berceau de la civilisation nouvelle, contrairement à Voltaire qui le plaçait dans l’Inde des Brahmanes « maîtres de Pythagore », et à Bailly [41] qui supposait, en se basant surtout sur les légendes astronomiques et sur les mythes de l’antiquité, un ancien peuple disparu ayant vécu au nord-ouest de l’Asie, inventeur véritable d’une « astronomie perfectionnée », d’une « philosophie sublime et sage », et d’une civilisation dont les peuples historiques de l’Asie méridionale (Chinois, Chaldéens, Indous) n’auraient hérité que les débris [42]. Mais il admet au fond comme l’auteur des Lettres sur l’Atlandide, l’existence d’un peuple primitif « éclairé », premier inventeur des sciences et des arts, et de la langue duquel nos langues et celles mêmes des sauvages les plus dégénérés sont encore aujourd’hui les témoins et les restes [43]. Les cultes païens sont des débris corrompus de la révélation primitive [44], véritable religion universelle que toute l’aventure humaine est de travailler à retrouver complètement. De même les diverses traditions initiatiques. Et cette conception de l’ésotérisme n’a-t-elle pas autant d’ampleur et plus d’exactitude que celle qui affirmerait une succession permanente et intacte ?

La flamme sacrée, menacée par la corruption générale, a dû s’abriter dans de sûres retraites et ne laissa pas de souvent vaciller pour se ranimer ailleurs et jeter plus d’éclat. Le peuple d’Israël reçut avec Abraham et Moïse la garde d’une pure tradition religieuse et fut, pour cela, séparé des nations. Chez celles-ci les connaissances proprement ésotériques se réfugièrent au sein des collèges sacerdotaux. Elles comprenaient, semble-t-il, une partie des vérités religieuses essentielles ; car tout ce que nous savons des mystères de Memphis tend à nous faire penser que le monothéisme [45] y était nettement enseigné, et certains ont même pensé que Moïse avait pu s’inspirer de cette initiation. Tandis que chez les Gentils, l’initiation était individuelle, elle fut avec les Hébreux pour ainsi dire collective ; le peuple Juif était en quelque sorte une nation d’initiés, le peuple élu par excellence.

Quoiqu’il en soit, Maistre admet que les prêtres égyptiens furent un temps presque les « seuls dépositaires des secrets divins » [46], « initiés à des connaissances du premier ordre [47] ». Il voit dans ces initiations orientales les « véritables sources des véritables traditions ». Il loue Platon d’y avoir puisé et de se montrer ainsi non seulement Grec et sophiste, mais aussi théosophe et Chaldéen [48]. Mais il constate d’autre part la décadence de ces centres privilégiés même avant la venue de Christianisme qui supprima leur principale raison d’être. L’or pur s’était changé en plomb vil. Les connaissances supérieures des écoles de Memphis et de Thèbes se sont effacées graduellement, surtout à partir de l’époque de Cambyse ; sous les Lagides, les prêtres égyptiens n’étaient plus que « de misérables charlatans [49]. » Le mal était d’autant plus grand que les connaissances primitives avaient été plus hautes. Les t/femples criminels de Memphis et de Teutyra, de leurs « mystérieuses retraites, versèrent l’erreur sur le genre humain [50]. »

C’est qu’en effet le flambeau a été repris par des mains privilégiées. Moïse a conçu une des synthèses les plus profondes, dont un cerveau humain ait pu être l’instrument, et il l’a scellée sous le triple sceau des mots sacrés du Bereschit. Tandis qu’un peuple choisi avait désormais pour se guider une loi intangible et précise, les « élus » de l’Ancien Testament se transmettaient les arcanes ou s’efforçaient de soulever le voile du texte mystique, cependant que l’Esprit parlait, lorsqu’il voulait, à travers les discours des Prophètes. Quand le Christ Jésus fut venu accomplir les prophéties, réaliser, parfaire l’antique promesse et la vieille loi, et rendre à tous les peuples leurs droits à la divine alliance, Certaines notions qui n’appartenaient pas essentiellement à la révélation, mais pouvaient en un certain sens servir à la compléter et à l’expliquer, furent encore réservées à un petit nombre. Les premiers chrétiens ont recueilli les idées de l’élite juive dont la pensée était dirigée vers l’étude d’une philosophie divine, fort au-dessus du vulgaire assujetti aux pratiques minutieuses et à la lettre de la loi. Cette tradition qui comprenait notamment les doctrines de la résurrection, des peines et des récompenses de l’autre vie et du jugement divin, c’est « la véritable et respectable Kabbale dont la moderne n’est qu’une fille illégitime et contrefaite [51] ».

Des vingt-cinq pages de citations annotées d’Origène que Maistre a copiées de sa propre main dans l’un de ses registres inédits [52] il conclut que ce « grand homme », ce « sublime théologien », « croyait à la magie en général, c’est-à-dire à la réalité d’une science qui peut mettre l’homme en communication avec des intelligences d’un ordre supérieur », qu’il admettait « une magie blanche, en sorte que cette science était bonne ou mauvaise, suivant le genre des esprits qu’on invoquait ». Sans doute, Maistre ne veut pas défendre chaque ligne des écrits d’Origène, mais il ne cache pas son admiration. C’est surtout sur lui qu’il se base pour établir que « le christianisme dans les premiers temps, était une vraie initiation où l’on dévoilait une véritable magie divine [53] ».

Maistre appelle même l’étymologie au secours de sa thèse. Les mystères de la religion impliquent nécessairement, note-t-il, une idée d’ésotérisme : ce mot signifie à l’origine « une vérité cachée sous des types par ceux qui la possédaient. Ce ne fut que par extension et pour ainsi dire par corruption qu’on l’appliqua depuis à tout ce qui est caché, à tout ce qu’il est difficile de comprendre [54] ». C’est même parce qu’il n’était « plus assez significatif » que l’Eglise latine inventa le mot de sacrement, « pour l’appliquer aux sept mystères par excellence ».

Mgr Batiffol [55] a fort bien mis au point la question controversée depuis trois siècles de la discipline de l’Arcane : en ce qui concerne notamment les sacrements de l’Eucharistie et de la Pénitence, les chrétiens du IIIe au Ve siècle graduaient progressivement pour les catéchumènes la révélation complète du dogme [56]. Outre cette coutume Maistre note aussi certains cas où l’Eglise et les Pères ont réservé l’explication publique et complète du dogme, repoussé certaines objections « sans exposer néanmoins les derniers secrets [57] », ou bien encore édicté certaines lois opportunes basées sur la connaissance de « grands mystères [58] ».

Que les initiations contemporaines descendent authentique-ment de cette source, Maistre n’ose l’affirmer, mais penche à le croire. A ses yeux, « la Franc-Maçonnerie vulgaire est une branche détachée et peut-être corrompue d’une tige ancienne et respectable ». Elle se rattache sans doute à une initiation plus ancienne et plus intéressante que celle des Templiers. Bien que les mystères antiques aient pu correspondre à de véritables connaissances [59], bien que la Science de l’Homme comprenne certaines opinions secrètes des Anciens, toute l’initiation antique est en décadence vis-à-vis de la « véritable Kabbale » judéo-chrétienne. Il faut aujourd’hui renoncer aux « folies de Memphis [60] » ; et les Indous eux-mêmes ont plutôt à apprendre de nous (OE. C., t. X, p. 503-504.). Les initiés modernes ne sont pas des « hommes nouveaux » ; ils ne doivent point oublier « la supériorité que leur a donnée l’Evangile » ; leurs ancêtres ne sont pas seulement les prêtres d’Osiris, de Bacchus ou de Mithra ; ils doivent s’efforcer de retrouver la pure source d’un système que le temps a parfois corrompu. Et Maistre souhaite qu’on puisse établir par une filiation incontestable que les mystiques de son époque et les francs-maçons eux-mêmes sont non seulement chrétiens, mais se rattachent à la révélation primitive, base de la vraie religion éternelle [61]. Il s’efforçait en effet de retrouver les échos plus ou moins perdus des anciennes condescendances de la divinité ; il se réjouissait que les doctrines transmises par la tradition occulte jusqu’à lui, frère à Floribus, adepte des hauts grades, fussent de nature à donner « la solution de plusieurs difficultés pénibles » de la croyance chrétienne (Mém. à Brunswick.).

C’est tout ; et c’est beaucoup. Il ne faut pas, quelle que soit l’importance de l’influence ésotérique sur sa pensée, faire de Maistre un disciple de Cagliostro. Il admet qu’on puisse essayer d’approfondir respectueusement et avec prudence le dogme révélé, mais il ne fait pas du Christianisme une simple « loge bleue », ou la forme populaire, grossière et dégradée de je ne sais quelle église secrète. A ses yeux, la tradition occulte existe et présente un intérêt capital ; mais il n’en fait pas le seul moyen de connaissance mystique, et surtout il a un critérium pour se guider dans la confusion sans nom des systèmes mystiques : la foi au Christ et la soumission à son Eglise. Il n’oublie pas que la venue du Sauveur a changé du tout au tout les conditions de la vie religieuse humaine. Les fils de la nouvelle Jérusalem sont les enfants multipliés de la femme libre [62]. Le Christianisme est essentiellement libérateur [63]. Il a changé le cœur de l’homme. Il a épuré toutes les croyances dont la base n’était point fausse, mais qui s’étaient corrompues, rectifiant les cultes et faisant cesser les abus criminels. Il a, en un certain sens, soulevé le voile épais qui cachait aux peuples la face de l’antique Isis, appelant tous les hommes à l’héritage du Père, initiant les foules aux mystères essentiels réservés jusqu’alors jalousement [64]. Jésus dit un théosophe occidental contemporain [65], « voulut diminuer l’abîme entre les initiés et le peuple. Le Christianisme devait être le moyen par lequel chacun pouvait trouver la voie. Si la plupart ne sont pas prêts encore à y marcher, que du moins l’accès ne leur en soit pas fermé... Jésus voulut rendre le « royaume de Dieu » plus indépendant des cérémonies extérieures des Mystères ».

Il supprima, dit un autre mystique, « la nécessité de l’initiation systématique et progressive ». Par Lui, tout homme quelle que fut sa classe et son intelligence, put désormais arriver directement au Père [66].

C’est-à-dire que Jésus est l’Initié par excellence, l’Initié absolu, l’éternel confident de la Sagesse du Père. L’humanité qu’il a revêtue, il l’a conduite au plus haut degré de la connaissance, il l’a fait entrer transfigurée dans le Royaume de Dieu. Et il a donné à tous ceux qui s’attacherait à lui aussi étroitement qu’un naufragé à une planche de salut, le pouvoir d’y pénétrer avec lui. A tous ceux qui veulent s’unir mystiquement à lui il est venu apporter ce royaume. En vivant, en nous mouvant dans le Christ ressuscité, initié d’un genre unique, nous sommes initiés nous-mêmes aux mystères éternels de la Vie.

Le mystère qui avait été caché depuis le commencement des choses, dit saint Paul est maintenant révélé. Dieu a parlé par la bouche de son Fils unique. La Promesse a été tenue. La Bonne Nouvelle est annoncée à tous [67].

L’important n’est plus maintenant de savoir commander aux esprits (Saint Jean), ni de dominer la nature au moyen d’entités peut-être impures, ni de développer les facultés latentes de la nature humaine, car rien ne serait plus néfaste que le désir du surnaturel sans désir de sanctification, mais de s’élever au plan suprême, et de s’unir au divin par l’intermédiaire du Fils, unique voie, unique vérité, unique vie. Le chrétien ne peut plus donner à aucun autre homme le nom de Maître dans toute la force du terme. La grâce et une nouvelle espérance l’affranchissent de la loi. Il n’a plus aucun maître extérieur. C’est au fond de son cœur qu’il doit trouver la présence divine. « Le Royaume de Dieu est au-dedans de nous. »

[1] Cf. ce que nous avons dit de la « superstition », ci-dessus, Ie partie, chap. I.

[2] Ibid., 1e entr. En outre, le peuple, occupé à travailler pour vivre, ne peut, comme dit Robertson, spéculer et venir à une religion raisonnable. « Le premier caractère d’une religion vraie est donc de reposer sur l’autorité. » Mélanges B (inédit), p. 559 ; 15 juill. 1798.

[3] Soirées, 2e et 11e entr. - « Le monde renferme toujours une foule innombrable d’hommes si pervers, si profondément corrompus que, s’ils pouvaient se douter de certaines choses, ils pourraient aussi redoubler de méchanceté et se rendre, pour ainsi dire, coupables comme des anges rebelles... » Principe générateur, § 67. Cf. ci-dessous IV part., ch. II et III.

[4] Mémoire à Brunswick.

[5] La circulaire que lui envoyaient personnellement les Philalèthes parisiens en 1785, déclarait inopportun de confier à l’écriture certains secrets et proclamait que la publicité pouvait être « plus dangereuse qu’utile pour un objet mystérieux en lui-même et dont la connaissance (parfaite) doit être réservée à un petit nombre d’hommes privilégiés... » Cf. ci-dessus, 1e part., ch. II.

[6] Cf. aussi Principe Générateur, mai 1909, § 67 : « Il serait inutile, peut-être même dangereux d’entrer dans de plus grands détails... Il faut en certaines occasions ne professer la vérité qu’avec respect... C’est tout ce qu’il peut être utile de dire pour le moment ».

[7] Mémoire à Brunswick.

[8] Mélanges A. (inédit), p. 603. Maistre dit que Saurin, lequel avait défini le péché contre l’Esprit, le fait de « contredire l’action divine qui est l’esprit » se trouvait « parfaitement d’accord avec une certaine société suivant laquelle le péché contre le Saint-Esprit ne saurait être que la putréfaction, en sorte que le pécheur vraiment indigne de pardon est celui qui profère de tirais blasphèmes ; et celui qui en peut proférer est l’homme qui, après avoir connu la bonne parole et les puissances du Siècle à venir, tombe ensuite, c’est-à-dire devient un vrai blasphémateur ; en un mot un initié aux dons et aux connaissances surcélestes qui devient un ennemi [de Dieu], hypenantis... L’homme qui aura méconnu le Père et parlé contre le Fils peut encore éprouver la miséricorde divine, mais i ! n’y aura point de grâce pour l’ennemi de l’esprit. »

[9] Lettres à M. de Launay, Saint-Pétersbourg, 1807 ; OE. G., t. X. p. 505. Les occultistes ont en effet interprété souvent, sans aller aussi loin que Dupuis, certains mythes antiques dans un sens astronomiqne et considèrent certains héros tantôt du même point de vue, tantôt comme l’incarnation symbolique d’une race, d’un peuple, d’uue collectivité. Cf. Fabre d’Olivet, Histoire philosophique du genre humain, et plus récemment, Gattefossé, Adam, l’homme tertiaire ; Lyon, 1920, in-8°.

[10] Mémoire à Brunswick.

[11] Au plan matériel (corps, faits), au plan humain (âme, lois), au plan divin (esprit, principes) ; au positif, au comparatif et au superlatif. Certains même comptent dix-sept sens superposés dans le Cantique des Cantiques.

[12] Cf. ci-dessus, IIe partie, ch. I.

[13] Mémoire a Brunswick. Ces auteurs sont cités d’après Court de Gébelin (Le Monde Primitif, Génie allégorique des Anciens, p. 45 et suiv.). Saint Paul (Gai. IV) déclare d’ailleurs clairement que certains passages de l’Ecriture, les deux femmes d’Abraham par exemple, « ont un sens allégorique ». Cf. aussi le Psaume LXXVII

[14] Mémoire à Brunswick et Soirées, 11e entr.

[15] Soirées, ibid. Saint Augustin (De Gènes., contra Manicheo., 1. I, ch. II) dit qu’on ne peut prendre à la lettre le texte des trois premiers chapitres de la Genèse sans attribuer à Dieu des choses indignes de lui, et qu’il faut avoir recours à l’allégorie.

[16] Soirées, 11e entr.

[17] Mélanges, B, (inédit), p. 571 ; 23 oct. 1797.

[18] Plat, in Phoed. opp. Principe générateur, § 19. Saint-Martin écrit dans le Crocodile, chant 70, p. 346 : « Les langues primitives étaient plutôt des langues d’action que des langues de méditation ; elles étaient plus parlées qu’écrites, et par cette vivante activité, elles avaient une force et une supériorité qui appartiendra toujours à la parole par préférence à l’écriture. »

[19] Principe générateur, § 15.

[20] Chrysostome, Hom. in Matth. l, I ; ibid. § 20

[21] Ibid., § 17, note.

[22] Ibid., § 15.

[23] Du Pape, 1. II, ch. VIII.

[24] Ibid., 1. IV, ch. IX.

[25] C’est ce que fait remarquer le Comte au Sénateur qu’il juge parfois un peu trop mal résigné à ne pas tout approfondir. Soirées, 11e entr.

[26] Lettre du 16 (28) oct. 1814 ; CE C, t. XII, p. 459. Cf. l’exemple donné par Maistre de Dieu répondant à Satan qu’il ne lui a pas pardonné parce que l’ange mauvais ne lui a jamais demandé pardon. « Voilà la mythologie chrétienne ».

[27] Principe Générateur, § 30 et 31.

[28] Du Pape, l. II, ch. VI, note 1.

[29] Principe Générateur, § 30, note 2.

[30] Religion E (inédit), p. 157.

[31] Saint Paul, Corinth., I, 15.

[32] Saint-Martin dont le Dr Encausse (Papus) se disait le successeur direct. Cf. ci-dessus, Ie partie, chap. II.

[33] Cf. entr’autres Saint-Yves d’Alveydre. La Mission des Juifs ; Fabre d’Olivet. Histoire philosophique du genre humain ; Eliphas Lévi. Histoire de la Magie.

Nous avons vu, ci-dessus, Ie partie, ch. II, que la tradition ésotérique se divisait grosso modo en deux branches : l’orientale et l’occidentale. Tandis que les occultistes chrétiens admettent la divinité de Jésus incarné, les orientalistes ne voient en lui qu’un maître égal au Bouddha et considèrent Chrestos comme un simple principe métaphysique que chacun peut développer en soi. Dans la tradition occidentale même, il existe, de l’aveu de Papus (Traité élémentaire de la science occulte, p. 478), deux courants principaux : 1° le courant purement chrétien qui se rattacherait à la Kabbale et aux Gnostiques ; 2° un courant pythagoricien se rattachant à l’ancienne Egypte. Cf. aussi le tableau des grandes écoles initiatiques donné par Sédir. Amitiés spirituelles, 25 nov. 1921.

[34] Mémoire à Brunswick.

[35] Maistre recherche chez tous les peuples les preuves du déluge universel. Cf. notamment Soirées, 2e entr. Lettre au comte de Vargos, 1807, CE. G., t. X, p. 497-504 ; lettre au comte Potocki, OE. C.,t. VIII, p. 102-125.

[36] « Rien n’est plus faux », dit-il à propos de Robertson. Mélanges B. (inédit), p. 560.

[37] Soirées, 2e entr. Délai de la Justice divine, § 47.

[38] C’était en effet une régression que le géocentrisme ptoléméen. Bien avant, Aristarque de Samos enseignait l’héliocentrisme. Cf. P. Duhem. Le système du monde.

[39] Selon « l’heureuse expression de Sénèque » (ép. 90). Lettre du 5 (17) juin 1810, CE. G., t. VIII, p. 103.

[40] Sur ces sujets, cf. surtout Saint-Yves d’Alveydre. La. Mission des Juifs. - Maistre s’appuie notamment sur : Maurice. Hist. of India, t. I, p. 108 ; W. Jone’s, II, 116 ; Pindare, Olymp. VII, 13 : Copernic. De orb. coel. Revol. Bryant. Ancient mythology et Myth. explained ; Hésiode. Théog.V. 114 ; Caylus. Ant. égypt. grec., t. V. ; Plutarque ; Lucien ; les Mémoires de l’Académie de Calcutta, « mortels volumes in-4° », qu’il a « lus patiemment la plume à la main »... etc.

[41] Ibid., et lettre du 20 oct. (1er nov.) 1807 ; CE. C, t. X, p. 502 et 504.

[42] Bailly... Lettres sur l’Atlantide, 1779 ; et Lettres sur l’origine des sciences et sur celle des peuples de l’Asie... 1777, in-8.

[43] Soirées, 2e entr. Il ne faut d’ailleurs pas confondre le sauvage et le barbare. Ce dernier n’est pas imperfectible. Sa langue qui s’était « dégradée avec l’homme, renaît avec lui, se perfectionne et s’enrichit... Nulle langue n’a pu être inventée ».

[44] Du pape, conclusion ; Mémoire à Brunswick. Sur les possibilités d’une révélation primitive demeurant intactes après les découvertes fragmentaires de la science préhistorique, cf. le P. Th. Mainage. Les Religions de la Préhistoire ; l’âge paléolithique, 1921, in-8°. On a même remarqué souvent que les peuplades considérées comme les plus primitives ne sont pas celles qui ont la religion la plus grossière. Les Yagans fuégiens que Darwin disait anthropophages et athées, croient au contraire en un Etre suprême qu’ils comparent d’eux-mêmes « au Dieu des chrétiens ». Cf. l’article P. Koppers. Etudes, 20 oct. 1922.

[45] Mémoire à Brunswick.

[46] Sacrifices, ch. I.

[47] Lettre au comte Potocki..., QE. C, t. VIII, p. 120.

[48] Du pape 1. IV, ch. VII.

[49] Lettre au comte Potocki, CE. C, t. VIII, p. 120.

[50] Du pape, l. IV, ch. XI. C’est pour cela que l’Egypte a perdu sa liberté et ne la retrouvera peut-être jamais, selon la prophétie d’Ezéchiel. Elle est condamnée « au dernier supplice des nations ». Pareille condamnation pèse peut-être sur la Grèce, qui a corrompu l’Europe, et qui la première a osé professer l’athéisme. (Lucrèce, I, I, 67). « Par elle ne sommes-nous pas encore païens ? Y a-t-il une fable, une folie, un vice qui n’ait un nom, un emblème, un masque grec ? » Notons que par ailleurs Maistre s’est montré plus indulgent pour la mythologie grecque en tant qu’elle symbolisait des vérités religieuses universelles. Il la trouve « pleine d’esprit et même de suite... Elle renferme, ajoute-t-il, une foule d’allégories ou charmantes ou sublimes. Elle n’a pu être inventée par des barbares. Ce qu’on a pu y mêler de grossier ne prouve rien ». Mélanges B, (inédit) p. 567.

[51] Soirées, 9e entr., note 7. Maistre cite Origène (contre Celse, 1. II, n° 1, 4), et Eusèbe, d’après Huet (Démonst. évang., t. II, pr. IX, ch. 171, n° 8). « Les élus de l’une et l’autre loi n’étaient que de vrais initiés » dit-il dans le Mémoire à Brunswick.

[52] Mélanges B (inédits), p. 51 et suiv.

[53] Cf. aussi les passages sur les génies des astres et des nations, ci-dessus, IIe partie, ch. III, et Principe Générateur, § 15.

[54] Mémoire à Brunswick. Maistre remarque d’ailleurs que les théologiens protestants et catholiques pourraient se réconcilier plus facilement s’ils faisaient « attention que les mots de mystère, de sacrement, de signe et de figure sont rigoureusement synonymes ».

[55] Etudes d’histoire et de théologie positive. 1re série, Paris, 1902, in-12. Tout n’est pas exotérique, disait Origène. Certaines choses ne doivent pas être hâtivement répandues dans le public. Cette méthode est commune aux chrétiens et aux philosophes. Saint Athanase pensait de même qu’il ne faut pas révéler les mystères aux non-initiés de peur que les païens n’en rient et que les catéchumènes mal instruits ne se scandalisent ou n’en abusent.

[56] Mélanges A (inédits), p. 571 et 572. L’initiation était graduelle, note-t-il encore dans les Mélanges B (inédits), p. 518, mai 1797. « La foule n’a besoin que de cette instruction appelée figurativement le lait par saint Paul ». Voici le texte de l’apôtre (I, Cor., III, 2 et Heb., VI, 12-14) : « Je vous ai donné du lait et non pas une nourriture solide ; car vous n’en étiez pas capables, et vous ne l’êtes pas même maintenant, puisque vous êtes encore charnels... Or quiconque n’est nourri que de lait ne comprend rien aux discours de la Sagesse, parce qu’il est enfant. Mais la nourriture céleste est pour les parfaits ».

[57] Sacrifices, ch. III.

[58] Soirées, 1e et 2e entr., et 1e entr., note 9 ; au sujet particulièrement de la génération. Maistre cite ici Saint-Martin, « l’élégant théosophe » (Homme de Désir, § 81).

[59] Cf. ci-dessus, et Mélanges B (inédits), p. 583 ; 8 octobre 1797 ; Maistre juge « peu plausible » l’opinion de Varron disant que les mystères d’Eleusis ne se rapportaient qu’à l’agriculture.

[60] Mémoire à Brunswick.

[61] Mém. à Brunswick.

[62] Saint Paul, Gal. IV. « Les deux femmes d’Abraham sont deux alliances, L’une, celle du mont Sinaï, enfante pour la servitude ; c’est Agar, car le mont Sinaï en Arabie correspond à la Jérusalem actuelle, laquelle est esclave... etc. »

[63] Du Pape, I. III, ch, II, IV et conclusion ; Sacrifices, ch. II ; Soirées, 6e entr.

[64] « Jésus-Christ est venu guérir tout ce qu’il pouvait dans tout l’univers ». Mélanges B. (inédit), p. 518 ; mai 1797.

[65] Cf. Rudolf Steiner. Le Mystère chrétien et les Mystères antiques, trad. de l’allemand par Ed. Schuré ; Paris, Perrin, 1920, in-16, p. 191.

[66] Sédir. Amitiés spirituelles, 25 nov. 1921.

[67] Tout ce qui est caché doit être révélé. Par le Christ, les choses restées jusqu’alors obscures, ont été découvertes, dit saint Irénée.



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