JOSEPH DE MAISTRE MYSTIQUE

Dermenghem (Joseph de Maistre) - l’analogie. les correspondances

Ses rapports avec le martinisme, l’illuminisme et la franc-maçonnerie.
vendredi 18 novembre 2022.
 

CHAPITRE III - L’ANALOGIE. LES CORRESPONDANCES

L’analogie dans l’occultisme et dans la science moderne. - Le raisonnement par analogie. - Les trois mondes. - Correspondances des lois. - Le monde matériel reflet du spirituel. - L’âme clef de l’univers. - Les pierres d’attente de la Révélation. - La vie universelle. - Les esprits. - Les génies des astres et des nations. - Les êtres collectifs. - La métaphysique des Noms. - Valeur des mots. - Leur pouvoir Kabbalistique. - Les sacrements. - L’Eucharistie est la plus belle des analogies. - La ressemblance de l’Homme à Dieu est la plus haute.

L’univers lui-même est un mythe. Salluste.
 
La religion est l’allégorie de la nature. Plutarque.
 
Rien n’est identique dans ce monde et tout y est parallèle. Chaque chose peut être étudiée sous plus d’un aspect... la nature, le monde moral, le monde intellectuel sont d’éternelles asymptotes qui se rapprochent sans se toucher. Mme Swetchine.

L’analogie pourrait être considérée comme l’un des procédés de la méthode intuitive. Une analogie est un rapport que l’esprit découvre entre deux ou plusieurs faits, deux ou plusieurs organes, fonctions, ordre de choses, etc.. L’anatomie comparée, par exemple, a constaté que les vertébrés sont construits sur le même plan. Il y a analogie entre le bras et la jambe, la main et le pied, le gros orteil et le pouce, entre les membres antérieurs des quadrupèdes et les ailes des oiseaux. Il y a analogie entre le poumon et l’estomac, etc.. Analogie n’est donc pas similitude.

L’astronomie est de même amenée à découvrir dans le plan de l’univers d’impressionnantes analogies. La cosmogonie dualiste et tourbillonnaire de M. Belot ne veut plus trouver dans une seule nébuleuse progressivement condensée l’origine des astres, mais voit celle-ci dans la conjonction de deux principes en quelque sorte mâle et femelle, dans la fécondation pour ainsi dire d’une sphère gazeuse amorphe par un tube-tourbillon animé d’une grande vitesse qui la rencontre et la pénètre, comme le spermatozoïde l’ovule. Des réactions, des tourbillons, des pulsations provoquées par ce « choc cosmique », naissent les nappes planétaires et les germes des comètes extravagantes. Le noyau palpitant au sein de la nébuleuse fécondée projette de sa propre masse la substance des mondes à venir. Et chose, de notre point de vue, plus frappante encore, une telle cosmologie nous montre le système solaire, construit sur le même plan que la grande unité cosmique, la nébuleuse spirale dont il est analogiquement un des atomes gigantesques et multiples. Notre voie lactée n’est qu’une des nébuleuses spirales dont sont semés les champs célestes. Le soleil est une de ses étoiles. Chaque nébuleuse a son noyau où les astres sont plus condensés et qui correspond par conséquent au soleil d’un système solaire. Elle a d’autre part ses spirales déroulées dans l’espace qui correspondent aux nappes planétaires comme les amas globulaires formés de contractions de ces rapides volutes correspondent aux planètes [1].

La méthode analogique cherche à suppléer aux insuffisances respectives de l’induction et de la déduction, de la pure métaphysique attachée au seul noumène et de la pure physique tournée exclusivement vers le phénomène, la matière et l’expérience. Elle peut être un instrument précieux pour éclairer de loin les régions difficiles, pour passer élégamment du connu à l’inconnu. Elle peut aussi devenir la plus décevante maîtresse d ;erreurs et d’extravagances. Elle conseillera de guérir la rage avec de la salive, la pneumonie par du poumon de cerf, la piqûre de scorpion par un scorpion écrasé,, si l’état des .connaissances chimiques est inférieur à la rectitude du principe. Mais elle pressent que le saule qui croit dans les lieux humides guérira, par le salicylate, les rhumatismes causés par l’humidité ; et elle est à la base des méthodes les plus modernes, de la sérothérapie pasteurienne, aussi bien que de l’opothérapie et de l’homéopathie.

Pratiquée couramment dans l’Antiquité, puis par les Pères de l’Eglise, puis par la plupart des penseurs, poètes ou architectes du moyen âge, puis abandonnée pendant trois ou quatre siècles, la méthode analogique est essentielle à tout mysticisme. La philosophie occulte en a fait la base de ses spéculations les plus hautes, comme les sorciers nègres de leur plus grossière magie.

L’unité du plan cosmique étant postulée, il s’agira de passer analogiquement du visible à l’invisible, du relatif à l’absolu, de l’apparence à la réalité. « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, dit la Table d’Emeraude d’Hermès Trismégiste, pour accomplir le miracle de l’unité. » C’est-à-dire, d’abord que les contraires sont analogues, non pas semblables ; puisqu’ils sont ramenés à l’unité, comme la synthèse réconcilie sur un plan supérieur les contradictions apparentes de l’antithèse et de la thèse. Ce qui est vrai de l’infiniment petit sera vrai proportionnellement de l’infiniment grand. Pascal a raison d’admirer dans la trompe d’un ciron le raccourci d’un univers, et Goethe de trouver dans tout ce qui se fait bien, puisque tout est dans tout, l’image de tout ce qui est bien.

Les lois mystérieuses des nombres [2] préserveront la vivante intuition d’errer au gré des prestiges imaginaires à travers les trois plans superposés des faits, des lois et des principes, et de découvrir d’arbitraires analogies parmi ces trois mondes : matériel, psychique ou humain, et divin [3]. Chaque nombre répond, en effet, à une idée, à un signe, à un hiéroglyphe particuliers, de sorte que les lois de leur combinaison vérifient la combinaison des symboles et des idées.

L’analogie ne supprime aucunement la déduction et l’induction, mais au contraire s’appuie alternativement sur l’une et l’autre de celles-ci, entre lesquelles elle est une sorte d’intermédiaire, et des données ou considérations desquelles, si elle les dépasse et coordonne, elle ne saurait en aucune façon se passer. Remarquons d’ailleurs que la science contemporaine à mesure qu’elle approfondit son domaine et connaît ses limites, pressent de plus en plus le rôle fécond de l’analogie [4]. N’est-ce pas celle-ci en effet qui guide la féconde hypothèse dont Henri Poincaré a montré l’importance ?

L’œuf de Christophe Colomb, la lampe de Galilée, la pomme de Newton, ne sont-ils pas des exemples célèbres et particulièrement frappants de la méthode analogique ? Ne nous étonnons donc pas d’entendre Maistre proclamer qu’éteindre « le flambeau de l’analogie » équivaudrait à renoncer au raisonnement (Soirées, 2e entr.).


L’analogie a pour base et pour justification les correspondances postulées entre les différents plans du Grand Tout. De même que l’atome nous apparaît analogue au système solaire et celui-ci à la nébuleuse spirale dont il est lui-même un atome, de même le monde visible est, selon l’expression relevée par Maistre (Ibid., 10e entr.) dans saint Paul, « un ensemble de choses invisibles manifestées visiblement ». Doctrine antique formulée plus tard poétiquement par Baudelaire (qui ressemble d’ailleurs par bien des points à Joseph de Maistre) :

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles...
 
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité...
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent

 [5].

Doctrine commune à tous les écrivains plus ou moins influencés par l’hermétisme et à la plupart des mystiques. Pour Emerson [6] la nature est le symbole de l’esprit, et l’utilité de l’histoire naturelle est surtout de nous mieux faire comprendre la surnature. « Le monde visible, avec les relations de ses parties, est le cadran de l’invisible ».

On peut trouver des formules analogues dans les dialogues d’Hermès aussi bien que chez Cornélius Agrippa, chez Paracelse aussi bien que chez Saint-Martin, Boehme et Swedenborg, chez saint Denys, saint Cyrille, saint Augustin, Hugues de Saint-Victor, aussi bien que chez Philon le Juif et chez Origène [7].

Swedenborg écrivit sur les correspondances un de ses principaux ouvrages. L’année même où Joseph de Maistre vivait, réfugié à Lausanne, Dutoit-Membrini, disciple de Saint-Martin, publiait dans cette ville sous le pseudonyme de Keleph ben Nathan, sa Philosophie divine, appliquée aux lumières naturelle, magique, astrale, surnaturelle, céleste ou divine, ou aux Immuables Vérités que Dieu a révélées de lui-même et dans ses œuvres, dans le triple miroir analogique de l’Univers, de l’Homme et de la Révélation écrite [8].C’est d’ailleurs un principe essentiel de la Kabbale que « toute chose ici-bas a sa racine en haut [9]. »

« Contrairement au sens commun, dit M. Le Roy déduisant les conséquences de la théorie bergsonienne, la matière ne peut être définie que par rapport à l’esprit, son essence exprimée qu’en termes d’âme, et sa réalité suspendue qu’à la vie intérieure et à l’action morale » [10]. Là est la justification profonde de l’intuition, en même temps que de la raison. C’est parce qu’une harmonie s’impose aux séries parallèles que l’analogie peut guider l’intuition. C’est parce que tous les phénomènes ont une cause cachée, c’est parce que l’univers physique est le symbole de l’univers invisible, que la raison humaine a malgré tout une réelle valeur, peut passer de l’un à l’autre et s’élever dans une certaine mesure à la connaissance des vérités religieuses elles-mêmes. Tel est, à notre avis le point essentiel qui sépare Maistre des fidéistes et des traditionalistes qui refusent à la raison tout pouvoir en ce domaine, faisant appel exclusivement à la tradition, à la foi aveugle et à l’autorité.

Pour Maistre, c’est bien en effet dans le monde des idées qu’il faut chercher les véritables raisons de celui des apparences [11]. Il n’y a, dit-il, « aucune loi sensible qui n’ait derrière elle une loi spirituelle... Dans ce monde que nous voyons tout se rapporte à un autre monde que nous ne voyons pas [12]. » « Le monde est un simple assemblage d’apparences, dont le moindre phénomène cache une réalité. » C’est cette idée qui le guide dans ses spéculations les plus hardies et qui lui permet de soulever les voiles les plus épais. La théologie catholique déclare que si les mystères ne peuvent être connus sans la révélation, cependant la raison, éclairée par la foi, peut arriver à une certaine intelligence de ces mystères, en procédant par analogie avec les objets naturels de sa connaissance, et par les rapports des mystères, soit entre eux, soit avec la fin dernière de l’homme [13]. C’est bien ainsi que procède la méthode maistrienne qui voit dans les dogmes « l’expression divinisée des lois générales du monde » et qui les justifie ainsi aux yeux mêmes de l’intelligence. Mme Swetchine, dans le même sens, écrira : « Dieu a fortifié la rationalité du dogme de la Trinité, vérité éternelle, par des analogies qui lui servent de cortège et de contre-épreuve. » (Journal, p. 100) Dieu n’a « pas souffert que les vérités apparussent seules sur la terre... Il leur a prêté l’appui de mille formes diverses. » Telle est, nous le verrons pins loin, une des raisons des ressemblances qu’on constate entre le Christianisme et les religions antiques. Par exemple les douze apôtres ne sont pas entièrement mythiques, comme l’insinue Dupuis [14]. Ils correspondent pourtant en un sens aux douze signes du Zodiaque, « analogie sublime dont il a plu à Dieu de se servir pour répéter dans la création les vérités qu’il enseignait aux hommes » dans la révélation (Mme Swetchine, ibid.). C’est même, selon Salomon et saint Paul, parce que la création parle du créateur que l’homme est coupable s’il refuse de croire. « L’Etre invisible apparaît, depuis la création du monde, visible par les choses qui ont été faites... Son Fils est la splendeur de sa gloire et la figure de sa substance ... » (Rom., I, 20, et Héb., I, 3.) C’est ce Logos qui nous a purifiés de nos péchés ; c’est par Lui que l’être invisible se manifeste dans le monde ;c’est en Lui que l’homme communie et s’élève au divin. « Laquelle des deux louanges ou des deux amours revêt le plus de perfection, se demande Raymond Lulle [15], ce qui remercie l’Aimé de ses dons et de sa création, ou ce qui remercie l’Aimé de la ressemblance de la création avec.lui-même ? »

Une même Logique divine en effet, supérieure à notre intelligence trop matérielle, mais vers laquelle celle-ci, aidée par les analogies et, quand il le faut, haussée jusqu’à l’intuition, peut espérer s’élever, règne à tous les degrés du Cosmos. Les lois du monde et les lois divines sont en quelque sorte parallèles. Les vérités théologiques sont des « vérités générales manifestées et divinisées dans l’ordre religieux [16] ». La religion véritable est en un certain sens la rectification, la divinisation, la quintessence des vérités générales que découvre la tradition universelle, raison générale de l’humanité. Les idées vraiment innées de l’homme correspondent toutes, si l’on va au bout de cette idée, à quelque réalité [17] La preuve par le consentement universel rejoint donc ici, semble-t-il, la preuve ontologique elle-même.

Il faut donc chercher « dans la nature même des choses les preuves de notre doctrine (Mémoire à Brunswick) ».« Les objets matériels ne sont rien de ce que je vois... Mais ce que je vois est réel par rapport à moi, et c’est assez pour moi d’être ainsi conduit jusqu’à un autre ordre que je crois fermement sans le voir [18]. « C’est vers cet ordre supérieur qu’il faut regarder. La cause d’un mouvement ne pouvant être un mouvement, mais une volonté, les causes premières n’existant pas dans la matière, c’est en Dieu que « nous avons la vie, le mouvement et l’être ».

Pour Maistre le panthéisme de Spinoza et des stoïciens n’est qu’une déviation de cette théorie de saint Paul. Cette merveilleuse unité que nous constatons dans les lois, malgré la désharmonie engendrée par la Chute, par l’introduction du principe mauvais, cette unité vers laquelle tous les êtres aspirent en gémissant,’ne signifié pas l’immanence du créateur dans la création, l’identité de Dieu et de l’Univers [19]. Mais les vérités religieuses consacrent les idées universelles de la pensée humaine collective, reflet pâli de la sagesse divine. Le Dieu créateur du monde, dira Maistre, le Dieu source de la parole, des idées innées, des sociétés et du pouvoir, le Dieu ordonnateur de la société religieuse qu’est l’Eglise, et garant de l’infaillibilité de son chef, sont un seul et même Dieu, comme la Providence qui, dans sa justice, exige traditionnellement le rachat du péché par le sacrifice, et la Providence qui, dans sa miséricorde, se satisfait du sacrifice de Jésus-Christ rédempteur du péché adamique, sont une seule et même Providence (Cf. G. Goyau, op. cit., p. 217). Pour répondre au reproche d’absurdité porté par Voltaire, Helvétius et Diderot contre le dogme catholique, Maistre montre l’accord de celui-ci avec l’expérience collective de l’humanité. Il insiste sur les harmonies qui existent entre la révélation et la raison, entre le dogme et les lois du monde, entre la religion et les phénomènes historiques et sociaux, entre le surnaturel et la nature.

Cela ne veut pas dire qu’il confonde celle-ci et celui-là. Car, si les dons divins sont en harmonie avec les lois universelles, s’ils répondent merveilleusement aux besoins de l’homme, ils n’en sont pas moins des grâces gratuites et cette harmonie elle-même a pour ainsi dire le caractère aussi d’une grâce. Ce n’est pas en vertu d’un, déterminisme absolu que la révélation est d’accord avec les lois générales appréhendées par les traditions plus ou moins obscures de l’humanité [20]. L’harmonie entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel n’a pas un caractère de nécessité mais elle est. Ce n’est pas anéantir le surnaturel que de chercher dans la nature les analogies qui le font mieux comprendre et facilitent l’œuvre de la grâce imposant à la raison, la foi [21]. Il ne s’agit pas de nier l’autonomie du surnaturel, - et nous avons vu combien Maistre insistait sur la subordination de la raison humaine particulière, - ni de confondre la science et la foi mais de montrer comment elles peuvent se concilier transcendentalement, et d’insister sur les harmonies que découvre une pensée suffisamment synthétique, et qui peuvent aider la pensée à passer analogiquement d’un plan à un autre. Mais proclamer ces harmonies n’est, en aucune façon diminuer la nécessité de la révélation, comme si la nature suffisait à nous révéler la surnature, puisque cette nature elle-même, nous ne pouvons la connaître à fond dans ses lois véritables et ses causes premières que grâce à la connaissance de l’ordre supérieur dont elle dépend. Ge que nous trouvons dans l’ordre humain et dans l’ordre matériel,, ca sont pour ainsi dire des pierres, d’attente dont, la théologie nous découvrira le vrai sens.

Bien loin : de ramener, le monde surnaturel à la nature, Maistre subordonne nettement celle-ci [22]. « Il n’y a rien de si visible, dit le Sénateur martiniste approuvé aussitôt par le Comte, que le lien des deux mondes ; on pourrait même dire, rigoureusement parlant, qu’il n’ « y a qu’un monde, car la matière n’est rien [23]. » Celle-ci a toujours ses causes vraies dans- un plan supérieur. C’est pour cela que Maistre cherche toujours les raisons cachées et trop peu soupçonnées des phénomènes [24]. Les faits en apparence même les plus vulgaires lui semblent tenir « de près ou de loin à quelqu’oeuvre secrète qui s’opère dans le monde à notre insu ».

« L’âme est la clef du monde », écrit le théosophe contemporain M. E. Schuré. Maistre pense comme tout mystique qu’il faut expliquer l’inférieur par le supérieur, le dehors par le dedans. L’homme vient d’en haut et non d’en bas. Sans l’âme, le corps n’est qu’un cadavre (Soirées, 5e entr.). Les objets matériels ne peuvent « être mus primitivement que par des substances d’un autre ordre [25] ». On ne peut chercher les causes véritables dans la nature, puisque « la nature elle-même est un effet ». Tout a été fait par et pour l’intelligence. La nature n’est qu’un « fantôme » ; mais ce fantôme même participe de la grandeur de la « suprême intelligence » qui en est la source [26]. « Ne rapetissons pas misérablement l’Etre infini. » Pourquoi se refuser à « l’hypothèse de la pluralité des mondes », qui, loin d’ébranler le dogme de la Rédemption, ne fait que le magnifier davantage et en étendre démesurément les conséquences et la portée ? Les autres planètes ne sont pas nécessairement des globes sans vie et inutiles que Dieu aurait « lancés dans l’espace, pour s’amuser apparemment ».

Non seulement il peut y avoir des êtres semblables à nous sur les autres planètes [27], mais il existe, « nul homme instruit » ne peut en douter (Du Pape, conclusion) des intelligences invisibles non unies à des corps matériels. Ce monde des esprits est sans doute mal connu et les communications avec lui sont sans doute exceptionnelles mais sa réalité est incontestable. Les âmes des désincarnés s’intéressent peut-être encore à notre monde [28]. Les saints intercèdent efficacement pour nous auprès de Dieu (Soirées, 10e entr. et passim.). Et il y a enfin le monde des Anges : les uns bons, serviteurs de Dieu, les autres néfastes et révoltés, démons soumis au principe mauvais ; division qui n’est d’ailleurs pas sans laisser place à des esprits intermédiaires [29]. Maistre ne pense pas « que les faits de la nature soient produits immédiatement par l’action divine ». Sans doute un Dieu unique dirige le monde. Mais il délègue à d’autres intelligences la direction des diverses parties de ce monde. Chacunede ces intelligences incorporelles a une mission et une action [30].

Rien n’est inerte. Le mécanisme pur est une absurdité aux yeux de la raison universelle même. Tout vit, tout est animé dans l’univers. Les anciens n’étaient pas tellement fous lorsqu’ils symbolisaient cette vie universelle par les nymphes des arbres, les naïades et les sirènes (Ibid.).

Homme, libre-penseur ! te crois-tu seul pensant ?
A la matière même un verbe est attaché
Ne la fais pas servir à quelqu’usage impie.
Souvent dans l’être obscur habite un Dieu caché...

 [31].

« Tous les hommes, dit Maistre, ontcruà des intermédiaires dépendant d’une intelligence supérieure. Ce polythéisme raisonné est la religion de l’univers [32] » L’idolâtrie n’est pas venue d’une absurdité mais d’une confusion. Le culte des esprits en est l’origine. « Le culte dès bons esprits pourrait être logiquement uni à celui de l’Etre Suprême si on ne leur accordait point d’égalité. » L’erreur est seulement d’adorer ces intelligences dont certaines sont bonnes et d’autres mauvaises, mais qui sont toutes subordonnées au Dieu véritable [33]. De même que les animaux sont perpétuellement « touchés, pressés, environnés par tous les signes de l’intelligence humaine, sans jamais pouvoir s’élever jusqu’au moindre de ses actes », de même « nul doute que nous ne puissions être nous-mêmes environnés, touchés, pressés par des actions et des agents d’un ordre supérieur dont nous n’avons d’autre connaissance que celle qui se rapporte à notre situation actuelle ». Les anciens qui voyaient des esprits partout étaient moins sots que nous qui n’en voyons nulle part (Soirées, 5e entr.). Et Maistre blâme le matérialisme du XVIIIe siècle de ne pas « voir que la doctrine des esprits... est tout à fait plausible en elle-même, et de plus la mieux soutenue par la tradition la plus universelle et la plus imposante qui fut jamais ». Pythagore, était plus instruit, qui pensait, comme la science finira par le démontrer, « que les corps sont mus, précisément comme le corps humain, par des intelligences qui leur sont unies, sans qu’on sache comment (Ibid., 11e entr.) ».

Il y a même une vérité dans la croyance antique aux génies des astres, qui seraient à chaque globe ce que l’âme est au corps.

Puisqu’il faut en effet écarter l’hypothèse mécaniste pure ; puisque le système du monde ne saurait « être réglé par des forces aveugles » ; puisque, « sans intelligence opérante ou coopérante », l’ordre est inconcevable ; puisque « le système physique est physiquement impossible », - il faut choisir entre deux conceptions : une seule ou plusieurs intelligences, l’intelligence première ou l’intelligence créée [34]. Mais « la raison et les traditions antiques, qu’on néglige infiniment trop dans notre siècle », nous font pencher pour cette dernière hypothèse [35], dont le culte idolâtrique des astres ou Sabéisme n’est qu’une déviation. « Les opinions antiques sur ce point sont bien connues en général de tous ceux qui ont quelque instruction. Le Christianisme se les appropria, et il n’est pas douteux que cette théorie ne fut un des objets de l’Initiation chrétienne [36]. » Et Maistre accumule les textes pour prouver d’une part la réalité de cette initiation dans les premiers temps du christianisme [37], d’autre part l’existence de la tradition occulte concernant les génies conducteurs des astres et des planètes [38] et les relations de l’humanité avec ces intelligences supérieures. Il rappelle notamment la distinction d’Origène entre les démons, faux dieux altérés de sang et les bons anges, « qui ne sont connus que d’un petit nombre d’hommes qui les cherchent avec intelligence et application. Il se plaint avec Bossuet, de l’aveuglement des hommes qui ne veulent pas « comprendre » ces génies patrons des nations et moteurs de l’univers [39].

Car il y a aussi des génies des nations, dei gentium, chacun attaché à chacune d’elle, et « c’est ici un des grands points de la doctrine cachée des premiers initiés » [40]. Origène le laisse entendre à plusieurs reprises et « assez ouvertement ». Comme chaque individu, chaque nation a un ange - les païens disaient un Dieu qui lui est attaché. C’est pour cela que dans l’Antiquité, chaque peuple avait ses propres dieux, ennemis généralement de tous les autres, protecteurs de la cité et sans puissance sur les peuples étrangers. A la division des nations, néfaste rupture de l’unité primitive, correspondait la division des dieux, c’est-à-dire le paganisme. Sur ce point, comme sur bien d’autres, l’œuvre encore inachevée du Christianisme est le retour à l’unité.

Pas plus que les mouvements des corps ne peuvent s’expliquer à ses yeux par des moyens mécaniques, « l’existence et la marche des gouvernements ne peuvent s’expliquer par des moyens humains. Il y a dans chaque empire un esprit recteur... qui l’anime comme l’âme anime le corps et qui produit la mort lorsqu’il se retire [41] ». Et Maistre expose une théorie des êtres moraux, des organismes collectifs, où l’on ne peut s’empêcher de retrouver la trace des influences occultistes. Cette idée, que Spencer essaiera d’exprimer scientifiquement, est en effet courante dans la tradition mystique [42]. Platon comparaît l’univers à un grand animal [43], et Plutarque la cité à un individu [44]. La science occulte systématise ce point de vue en l’appuyant sur l’harmonie des Nombres ; de telle sorte que les différents états de la réalité apparaissent comme les octaves pour ainsi dire de l’unité perpétuellement répétée.

La loi qui régit l’unité supérieure étant analogue à celle de l’unité inférieure, et tout se retrouvant dans tout, connaître une série nous aide à connaître les autres. « Etudier la formation d’un appareil (poitrine, tête...), par les organes, c’est apprendre la formation d’un monde par les planètes, d’une nation par les familles. Apprendre la construction de l’homme par les appareils, c’est connaître la constitution de l’Univers par les mondes et de l’Humanité par les nations [45]. » L’homme est une cellule de l’humanité qui est l’appareil supérieur d’un être animé : la Terre, grand corps doué par exemple de courants magnétiques comme un organisme l’est d’un système nerveux [46]. Et ainsi de suite.

Quelle est au juste la croyance personnelle de Maistre quand il énumère les textes parlant des génies, des astres et des nations ? Il ne semble point qu’il s’agisse seulement à ses yeux d’un symbole ; et il ne craint pas d’affirmer l’existence d’intelligences individualisées chargées spécialement de guider tel astre ou telle planète, telle nation, tel individu [47]. En tout cas il affirme l’étroite analogie qui existe entre ces unités supérieures et un organisme vivant. Il invoque « l’instinct naturel » des hommes pour qui un peuple, une ville, une corporation, une famille surtout sont des êtres moraux et uniques, ayant chacun « ses bonnes et ses mauvaises qualités, capable de mériter ou de démériter et susceptible par conséquent de peines et de récompenses [48] ». Le genre humain tout entier est aussi un être collectif qui aspire retrouver la parfaite unité perdue, comme Dionysos déchiré p„. les Bacchantes. Il est en général et dans ses parties, susceptible d’une culpabilité collective [49]. Les nations évoluent et vieillissent [50]. Elles « meurent comme des individus », mais elles peuvent sans doute renaître, et de même que la religion peut conférer à l’individu la vie éternelle, de même les lois religieuses peuvent, il faut l’espérer, donner aux nations la grâce d’une véritable palingénésie [51].


Si nous continuons à rechercher les diverses applications faites par Maistre de la loi d’analogie, en vertu des correspondances qui permettent d’ « étudier alternativement l’un dans l’autre le monde physique et le monde spirituel [52], nous verrons quels rapports il découvre par exemple entre la justice humaine et la justice divine, entre les châtiments infligés par la première et les peines de l’autre vie, entre la peine de mort et la damnation [53], entre les prières faites à Dieu et aux saints et les suppliques adressées au souverain ou à ses familiers (Soirées, 5e et 10e entr.), entre les indulgences et les grâces (Soirées, 1e et 6e entr.), entre la souveraineté politique et l’infaillibilité de l’Église et du Pape [54], entre la prière et les causes secondes (Soirées, 5e entr.) entre les répressions sociales et les fléaux naturels (Soirées, 8e entr.), entre la Chute et la loi d’hérédité (Ibid., 2e et 10e entr.), entre les maladies aiguës non transmissibles et les fautes, entre les maladies chroniques et les vices, « péchés originels de second ordre » (Ibid., 1e et 2e entr.), entre la vertu et la santé, entre le mal moral et le mal physique, entre le stoïcisme et l’ascétisme (Ibid., 1e entr.), entre la débauche et l’homicide, entre le mystère de la génération et les lois de la nature physique ou morale [55], entre la putréfaction matérielle des corps et la décomposition morale des églises séparées en sectes multiples (Du Pape, liv. IV, ch. III.), entre le désir et le magnétisme (Soirées, 6e entr.), entre l’évolution des idées et des croyances et l’évolution loi générale de la vie (Ibid., 2e entr.), entre les lois politiques et de plus hautes considérations, puisque « tout se tient, tout s’accroche, tout se marie, et lors même que l’ensemble échappe à nos faibles yeux, c’est une consolation de savoir que cet ensemble existe, et de lui rendre hommage dans l’auguste brouillard où il se cache [56] ».

Pour toutes ces analogies entre le plan social et le monde spirituel, Maistre réserve toujours la transcendance de celui-ci dont le premier n’est qu’un « relief pâli », un miroir fidèle sans doute, mais « terne ». La justice humaine nous sert à connaître les procédés de la « véritable » justice ; mais, contingente, elle participe de notre relativité, de tous nos préjugés et de toutes nos erreurs (Considérations, ch. I.).

Maistre trouve maintes similitudes entre la société civile et la société religieuse [57], et c’est ainsi qu’il entreprend de démontrer l’infaillibilité du Pape, mais n’en voit pas moins entre les deux une « seule mais bien importante différence, c’est que dans la première le souverain peut se tromper, de manière que l’infaillibilité qu’on lui accorde n’est qu’une supposition, au lieu que le gouvernement spirituel est nécessairement infaillible au pied de la lettre », grâce à l’inspiration du Saint-Esprit [58].

L’humanité divisée tend vers une unité mystérieuse, de même que les langues divisées à Babel tendent à se réunir et ont fait pour cela le jour de la Pentecôte, « un merveilleux effort », préfigure d’un succès à venir (Soirées, 10e entr.). Ces deux dates sont sans doute les deux plus grandes époques du monde spirituel. « Les noms d’ailleurs dont l’étude est le premier chapitre de la métaphysique première [59] » et l’une des bases de tout occultisme [60], n’ont rien d’arbitraire (Ibid. et Soirées, 2e entr.). Ils correspondent toujours à l’essence et à la fonction de leurs objets. Leur origine tient même, « comme toutes choses, plus ou moins immédiatement à Dieu », qui seul a le droit de nommer véritablement puisqu’il est seul véritablement créateur. « Il faut que le nom germe pour ainsi dire, sans quoi il est faux. » C’est pour cette raison que les esclaves affranchis et les soldats enrôlés recevaient un nouveau nom, comme en reçoivent encore ceux qui sont baptisés ou confirmés et ceux qui entrent en religion. C’est pour cela qu’une institution à laquelle on donne un nom arbitraire, est nécessairement une institution artificielle [61]. C’est pour cela que les Eglises séparées ne peuvent jamais se donner un nom qui exprime « l’unité et par conséquent la vérité », mais qu’elles sont désignées par des termes qui, en face de l’Eglise Catholique ou Universelle, trahissent] leur caractère purement négatif (protestante) ou local (anglicane, grecque) [62].

Mais il y a encore des analogies plus hautes. En vertu de l’unité du genre humain, l’acte d’un seul a perdu tous les hommes. Ce fait primordial qui, conformément « au torrent de toutes les traditions humaines », explique l’origine du mal et la division que nous constatons en nous-mêmes, peut « nous aider à comprendre comment, par la loi d’analogie qui régit toutes les choses divines, le salut de même est venu par un seul » (Soirées, 10e entr.). Le Christ correspond à Adam, il est « l’Adam nouveau qui mange le vieil Homme » [63]. Son sacrifice expie le vieux péché. Sa soumission à la mort par amour, nous rachète « des mains de celui qui nous avait séduits ». Son triomphe sur la mort est le gage même de notre propre résurrection. Et comme le pain entretient la vie de nos corps, il est la nourriture mystique sans laquelle il n’est point de véritable vie. Bien plus, cette rédemption semble ne point se borner à notre seule planète mais s’étendre à tout l’univers. Les sacrifices sanglants de l’ancienne loi avaient pour but de purifier « ce qui n’était que figure des choses célestes » ; mais les choses célestes elles-mêmes ne peuvent l’être que par des victimes plus excellentes [64]. L’agneau divin seul pouvait ôter les péchés du monde entier, c’est-à-dire, selon Origène, « des régions célestes, terrestres et inférieures [65] ». Le sacrifice d’un Homme-Dieu était nécessaire pour réconcilier Dieu et l’Homme. La mystique et quotidienne répétition non sanglante de son sacrifice opère jusqu’à la fin des temps pour tout l’univers [66].

Maistre sait que les Sacrements qui sont les Signes, les Figures, les Symboles, les Mystères par excellence [67] sont les « liens sensibles des deux mondes et la vie du Christianisme [68] ». C’est ainsi qu’ « il a plu à Dieu, par exemple, d’attacher l’œuvre de la régénération humaine au signe sensible de l’eau, par des raisons nullement arbitraires, très profondes au contraire et très dignes d’être recherchées [69] ». Ce n’est pas non plus sans raison que la tradition de tous les peuples et « le sentiment inné qui nous appartient comme notre propre existence », ont donné une telle importance aux repas pris en commun. « Les hommes n’ont pas trouvé de signe d’union plus expressif... Ce signe a paru exalter l’union jusqu’à l’unité. » De ce sentiment universel l’Eglise a fait la base de son principal mystère... « Pour la vie spirituelle comme pour la vie corporelle, une nourriture est nécessaire. Le même organe matériel sert à l’une et à l’autre. A ce banquet tous les hommes deviennent un en se rassasiant d’une nourriture qui est une, et qui est toute dans tous... L’épi [70] et la grappe sont les matériaux du mystère. Ainsi que plusieurs grains de blé ou de raisin ne font qu’un pain et qu’une boisson, de même ce pain et ce vin mystiques qui nous sont présentés à la table sainte, brisent le moi, et nous absorbent dans leur inconcevable unité. » (Soirées, 10e entr.)

Telle est la « plus belle des analogies ». L’instinct antique pressentait que « l’homme ne pouvait être absous que par le sang » et voyait « quelque chose de mystérieux dans la communion du corps et du sang des victimes » qui « emportait, suivant eux le complément du sacrifice et celui de l’unité religieuse » Les sacrifices d’animaux préfiguraient prophétiquement celui de la véritable et universelle victime, sacrifice matériellement offert une seule fois, mais qu’il a plu à l’amour tout-puissant, dans ses incompréhensibles desseins et sa merveilleuse affection pour les hommes [71], « de perpétuer jusqu’à la fin du monde par des moyens bien au-dessus de notre faible intelligence ». « La chair avant séparé l’homme du ciel, Dieu s’était revêtu de la chair pour s’unir à l’homme par ce qui Fen séparait : mais c’était encore trop peu pour une immense bonté attaquant une immense dégradation. Cette chair divinisée et perpétuellement immolée est présentée à l’homme sous la forme extérieure de sa nourriture privilégiée ; et celui qui refusera d’en manger ne vivra point. Comme la parole, qui n’est dans l’ordre matériel qu’une suite d’ondulations circulaires excitées dans l’air, et semblables dans tous les plans imaginables à celles que nous apercevons sur la surface de l’eau frappée dans un point ; comme cette-parole arrive cependant dans toute sa mystérieuse intégrité, à toute oreille touchée dans tout point du fluide agité, de même l’essence corporelle de celui qui s’appelle parole, rayonnant du centre de la toute-puissance, qui est partout, entre tout entière dans chaque bouche, et se multiplie à l’infini sans se diviser,.. Le sang théandrique pénètre les entrailles coupables pour en dévorer les souillures. Il arrive jusqu’aux confins inconnus de ces deux puissances irréconciliablement unies où les élans du cœur heurtent l’intelligence et la troublent. Par une véritable affinité divine il s’empare des éléments de l’homme et les transforme sans les détruire... Dieu descend jusqu’à l’homme. Il entre dans l’homme et tout juste est un temple habité par la Divinité. C’est une merveille inconcevable, mais en même temps infiniment plausible, qui satisfait la raison en l’écrasant. Il n’y a pas dans tout le monde spirituel une plus magnifique analogie, une proportion plus frappante d’intuition et de moyens, d’effets et de causes., de mal et de remède [72] ».

Si le sacrement eucharistique est la plus belle et la plus magnifique des analogies, il est pourtant basé sur une autre, plus profonde encore, « l’affinité divine ». La correspondance la plus grandiose n’est-elle pas en effet celle qui existe entre l’Homme et la Divinité ? Dieu a créé l’homme à son image, dit la Genèse en propres termes, et l’Evangile, nous ordonne de travailler à nous rendre parfaits comme le Père Céleste. Sans doute « ces mots ne doivent point être pris à la lettre », il faut éviter l’abus de l’anthropomorphisme. Mais il n’y a pas « le moindre doute sur cette auguste ressemblance... Nous ne faisons qu’user de nos droits en nous en glorifiant ». Dieu « lui-même s’est déclaré notre père et l’ami de nos âmes (Sap., XI, 27). L’Homme-Dieu nous a appelés ses amis, ses enfants et même (après sa résurrection) ses frères. Ses apôtres n’ont cessé de nous recommander d’être semblables à lui ». Le fond de la vie chrétienne est de tendre sans cesse à cette Imitation. Or « la moindre ressemblance avec le souverain Etre est un titre de gloire qu’aucun esprit ne peut concevoir ». La révélation nous apprend donc « ce que nous sommes ». Il faut nous garder de deux erreurs : l’anthropomorphisme qui fait Dieu « semblable à l’homme en lui prêtant nos passions « d’une part, et de l’autre le pessimisme de l’ignorance qui se trompe sur la nature humaine « en refusant d’y reconnaître les traits divins de son modèle. »

Les belles phrases des philosophes sur l’immensité insondable de Dieu et la folie dont nous nous rendrions coupables en voulant le juger d’après nous, « ne tendent point à exalter Dieu mais à dégrader l’homme. Les intelligences ne peuvent différer entre elles qu’en perfections, comme les figures semblables ne peuvent différer qu’en dimensions [73]... S’il n’y avait nul rapport et nulle ressemblance réelle entre l’intelligence divine et la nôtre, comment l’une aurait-elle pu s’unir à l’autre ? C’est en outre cette ressemblance qui nous confère, même après notre dégradation, l’empire sur les créatures terrestres : « l’homme ne règne sur la terre que parce qu’il est semblable à Dieu ».

Pour Saint-Martin c’est cette sublime analogie qui est à la base même de la religion. Que fait celle-ci en effet, sinon relier à leur source, à leur principe, à leur ineffable modèle, les êtres qui s’en étaient écartés par la chute ? Le besoin d’admiration est essentiel à l’homme. « L’homme ne peut vivre que d’admiration, » et il n’y a que lui qui en soit susceptible parmi tous les autres êtres de la nature. Un besoin si absolu suppose hors de lui une source inépuisable d’un aliment si nécessaire. Il faut donc admettre, dit Saint-Martin, à la fois « l’existence d’un Etre Suprême et admirable qui vive de sa propre admiration, la supériorité absolue que nous avons sur tous les êtres de la nature, et nos immortels rapports et notre sainte analogie avec le foyer éternel et inextinguible de la vie et de la lumière » [74].

[1] Emile Belot. Essai de cosmogonie tourbillonnaire, Paris, 1911 ; le problème cosmogonique (Revue scientifique, mars 1914). L’Origine des mondes, 1920.

[2] Les tableaux de correspondances veulent donner une certaine rigueur à l’analogie. Cf. Papus ; Traité élémentaire de science occulte, ch. II et V ; Plutarque. De Ise et Osiride ; Euclide, l. I.

[3] « Personne ne peut nier, dit Maistre (Soirées, 2e entr.), les relations mutuelles du monde visible et du monde invisible. Il en résulte une double manière de les envisager ; car l’un et l’autre peut être considéré, ou en lui-même, ou dans ses rapports avec l’autre. »

[4] Ne lisait-on pas récemment dans un grand journal populaire : « L’analogie semble être l’animatrice - d’ordinaire inconsciente - qui les entraîne [les hypothèses] le plus souvent après soi. » Chaque hypothèse vieillit plus ou moins vite et finit un jour par épuiser sa vertu. Pour en trouver une autre le chercheur s’inspirera de l’intuition « vague, en quelque sorte poétique de l’analogie. L’appel à l’analogie, qui s’élève de tant d’écrits contemporains, montre que la courbe de l’histoire des sciences en est actuellement à un point d’inflexion. Nous y voyons l’annonce d’orientations nouvelles « . Toutes les conséquences directes des œuvres de Claude Bernard, Berthelot, Maxwell, Pasteur, Curie, ont été tirées. « Dans quelle voie la science va-t-elle s’engager ? Les esprits sont en proie à un travail obscur. L’Intuition les dirige excitée par l’Analogie. Le génie,c’est reconnaître des analogies insoupçonnées et fructueuses. » Dr Dejust, Voies nouvelles. Intransigeant, octobre 1921. Deux savants de premier ordre viennent également de faire appel à l’analogie dont ils analysent le mécanisme : G. Urbain, Les disciplines d’une science (la chimie). Petrovitch. Mécanismes communs aux phénomènes disparates.

[5] Les Fleurs du Mal : Correspondances.

[6] R. Emerson, Nature...

[7] « Les choses visibles sont des images lumineuses des invisibles », dit saint Denys l’Aréopagite, Ep. X. « Ce que touche notre main est une figure des choses intellectuelles... Du monde des corps comme d’une claire image, il faut remonter aux régions spirituelles » dit saint Cyrille d’Alexandrie, in Joan, II, 1, et in Oxane, 30. « En toute créature visible, il y a quelque chose de caché, et Dieu veut que nous le recherchions », dit saint Augustin, in ps. clll, serm. III. « Dieu a voulu que certaines choses soient signifiées par d’autres... Les âmes intelligentes arriveraient peut-être à unir dans une belle harmonie les choses visibles et les invisibles, de manière à ne laisser aucun objet sensible sans démontrer qu’il a la mission de représenter une chose immatérielle. » Hugues de Saint-Victor, in Hier, II, x, et de Script. I, XIV. « Dieu a mis dans les êtres corporels les formes et les images du monde invisible ; l’âme peut ainsi s’instruire et contempler les vérités divines », dit Origène dont les registres de Maistre contiennent tant de citations. Et Philon le Juif dont, à notre connaissance, Maistre a moins utilisé qu’on ne pourrait s’y attendre les idées syncrétistes, dit : « Les idées incorporelles sont devenues les cachets des choses sensibles. » De mundi opif., 44. Nous ne reproduisons ces citations que pour mieux faire sentir comment sur ce point particulier la tradition chrétienne et la tradition ésotérique se rencontrent en Joseph de Maistre.

[8] Lausanne, 1793, 3 vol. in-8°. L’idée était, on le voit, dans l’air à l’époque de Maistre ; elle s’exprime non moins formellement dans les divers ouvrages publiés en ce temps par Saint-Martin.

[9] « Il s’en suit que les choses inférieures sont appelées rameaux et les supérieures racines », dit M. Paul Vulliand dans La kabbale Juive.

[10] L’axiome fondamental de Saint-Martin est qu’il faut expliquer la nature par Homme et non pas l’homme par la nature.

[11] Soirées, 10e entr. Il cite le mot de Charles Bonnet (Palingènésie, XIIIe part., ch. 5) selon lequel « toute la nature ne serait pas moins qu’un grand et magnifique spectacle d’apparences. »

[12] Ibid. ; cf. aussi 5e entr.

[13] Le texte du Concile du Vatican disant que les mystères de la foi ont d étroites relations avec des vérités d’ordre naturel qu’ils éclairent et qui, dans une certaine mesure, l’éclairent aussi, et que la raison peut arriver, Dieu aidant, à une certaine intelligence des mystères, n’est-il pas la meilleure réponse à certaines objections faites à la méthode de Maistre qui dit par exemple :« Le péché originel est un mystère sans doute, cependant si l’homme vient à l’examiner de près, il se trouve que ce mystère a, comme les autres, des côtés plausibles, même pour notre intelligence bornée. » Soirées, 2e entr.

[14] C’est la thèse essentielle de l’Origine de tous les cultes de ramener tous les mythes à celui du soleil et des astres.

[15] Livre de l’Ami et de l’Aimé, verset 264.

[16] « De manière qu’on ne saurait en attaquer une sans attaquer une loi du monde ». Du Pape, liv. I, ch. I.

[17] « Il semble que Joseph de Maistre nous fait faire un grand pas quand il prouve que le paganisme ne contenait que des vérités corrompues. Car si l’on suit cette démonstration un peu loin, on reconnaîtra que l’homme n’a pas une seule idée qui ne corresponde à quelque réalité, et qu’ainsi Dieu est prouvé par la seule idée que l’on a de lui. » E. Psichari, Les voix qui crient dans le désert, p. 188.

[18] Soirées, 5e entr. M. Gaussy (Joseph de Maistre et Schopenhauer, dans l’Ermitage, 1907) dit que, comme Schopenhauer, Maistre pense que l’intelligence et la matière sont corrélatives, la matière étant une pure abstraction. Le seul moyen d’atteindre la réalité, l’essence des choses, c’est l’intuition. Nous devons, selon Schopenhauer, « chercher à comprendre la nature d’après nous-mêmes et non pas nous-mêmes d’après la nature » (C’est le précepte même de Saint-Martin.) « Une même théorie de la connaissance, dit M. Caussy, a conduit Maistre et Schopenhauer à une même conception unitaire de la volonté dans la nature, et à l’idée d’une série d’organismes contenus les uns dans les autres. » Nous reviendrons sur ce dernier point. - Par une généralisation croissante de l’idée de vie, Maistre arrive en effet à la conception d’organismes collectifs superposés, et il explique le monde par la Volonté de Dieu, comme Schopenhauer l’explique par le Vouloir-Vivre. Mais il ne pense pas Dieu immanent au monde dont il est l’âme, car pour lui, comme pour tout occultisme pur, l’analogie ne doit pas se confondre avec l’identité ou la similitude. Il résout aussi différemment le problème du mal.

[19] « La ressemblance n’ayant rien de commun avec l’égalité. » Soirées, 4e entr.

[20] Prenant l’exemple de la Trinité, Maistre déclare : « .... Pourvu que la révélation, d’accord, quoique sans nécessité, avec les spéculations les plus solides de-la psychologie et même avec les traditions plus ou moins obscures de toutes les nations, me fournisse une démonstration suffisante, je suis prêt à croire... » Soirées, 4e entr...

[21] C’est pourtant le reproche que fait à : Maistre le catholique Grasset (opus : cit., p. 223). Le texte ; cité ci-dessus, du concile du Vatican semble pourtant justifier entièrement ; l’attitude maistrienne.

[22] Indiquons en passant l’analogie de cette : question des correspondances des deux ; mondes, grâce auxquelles « l’on peut étudier l’un dans l’autre alternativement ». (Lettre à Bonald, 1 (13 déc. 1814), OE. C, t. XII, p. 466), et de celle du parallélisme psycho-physiologique. Maistre ne réduit pas plus l’esprit à la matière que Bergson ne réduit les, faits de conscience aux phénomènes cérébraux.

[23] « Je voudrais qu’on ne dit jamais : l’autre vie. Car il n’y en a qu’une », dit Saint-Martin. Portrait..., 109 ; Œuvres Posthumes, t. I, p ; 15.

[24] Laissons au siècle matérialiste sa physique « et tenons cependant toujours nos yeux fixés sur le monde in visible qui expliquera tout ». Soirées, 7e entr.

[25] « Le système, qui anime toutes les parties de la nature est peut-être plus près de la vérité qu’om ne croit. L’idée-d’une nymphe renfermée dans un arbre, qui vit, souffre et meurt avec lui, est moins absurde que nos explications mécaniques de la végétation. » Mélanges B (inédits), p. 561.

[26] Eclaircissement sur les sacrifices, ch. III.

[27] « Un système planétaire peut-il être autre chose qu’un système d’intelligence, et chaque planète en particulier peut-elle être autre chose que le séjour d’une de ces familles ? » Ibid.

[28] Lettre à la marquise Costa sur la mort de son fils. OE. C, t. VIII, p. 234 et suivantes.

[29] « En mettant à part la révélation qui ne laisse aucun doute sur ce point, la raison nous enseigne que l’univers renferme une foule d’intelligences de différents ordres. » Mélanges B (inédits), p. 561. Cf. aussi Sacrifices, ch. II. Sur les esprits intermédiaires qui ne sont pas nécessairement mauvais et n’appartiendraient pas positivement à la classe des démons, cf. l’introduction de M. P. Marteau au Comte de Gabalis, de l’abbé Montfaucon de Villars, réédité par la Connaissance, 1921.

[30] Mélanges B (inédits), p. 561

[31] Dit Gérard de Nerval (Vers Dorés), en se souvenant de Pythagore.

[32] Mélanges B (inédit), p. 619, Saint-Pétersbourg, 16 (28) mai 1805.

[33] Mélanges B (inédit), p. 586.

[34] C’est-à-dire entra : le monisme qui aboutit au panthéisme ou au matérialisme (Haekel), ou le pluralisme qui n’exclut ni le monothéisme ni même le mysticisme unitaire.

[35] Soirées, ibid., note 6. Cf. aussi : Eclaircissement sur les sacrifices, ch. III.

[36] Mélanges B (inédit), p. 527.

[37] Cf. Mémoire à Brunswick.

[38] Il cite notamment de nombreux passages d’Origène, note que ce « grand homme » qui a été « l’un des plus sublimes théologiens » (Sacrifices, ch. III) déclarait que les génies des astres ne devaient pas être adorés comme l’Etre suprême, (Mélanges B, p. 52) qu’ils aimaient mieux « nous voir adresser directement nos prières à Dieu, que si nous les adressions à eux, en divisant ainsi la puissance de la prière humaine, » que « le soleil, la lune et les étoiles offrent des prières au Dieu suprême par son Fils unique... et attendent aussi la manifestation des enfants de Dieu, qui sont maintenant assujettis à la vanité des choses matérielles (Soirées, 11e entr., note 6). Maistre cite aussi l’avis de Saint-Martin disant dans le Tableau naturel que ces génies sont prodigieusement éloignés de nous, mais que nous pouvons conjecturer le véritable objet de leur existence, et celui des martinistes pensant que Baruch parle sans métaphore lorsqu’il montre les étoiles répondant à l’appel de Dieu : nous voici, et brillant avec joie pour celui qui les a créées (Baruch, III, 34, 35). Cf. aussi Job, XXXI, 26, 28 ; II Esdras, IX, 6 ; Isaïe, XXXIV, 4 ; Jérém., VIII, 2 ; Reg. IV, XII, 16 (armée des cieux)

[39] Mélanges B (inédit), p. 518, mai 1797 ; et p. 524, et Soirées, 11e entr., note 6.

[40] Mélanges B (inédit), p. 597, mai 1797.

[41] Voilà un double exemple d’analogie. Soirées, 3e entr. et Mélanges B (inédit), p. 601.

[42] Cf. notamment Barlett. L’évolution sociale.

[43] Dans le Timée. L’astronomie moderne semble revenir à cette idée. Cf. le chap. IX du Problème du mai de M. Lasbax commentant les théories cosmogoniques de M. Belot.

[44] Dans les Délais de la Justice divine, traité traduit et adapté par Joseph de Maistre.

[45] Papus. Traité élémentaire de science occulte, ch. III, p. 57.

[46] Cf. ci-dessous, IIIe partie, ch. I.

[47] « Il est bien vrai que chaque homme a son génie conducteur et initiateur, qui le guide à travers les mystères de la vie... Il est bien vrai que les nations et les villes ont des patrons, que les les princes des peuples sont appelés au conseil du Dieu d’Abraham, parce que les puissants Dieux de la Terre sont bien plus importants qu’on ne le croit. » Sacrifices, ch. III.

[48] Soirées, 10e entr. C’est pour cela qu’un souverain, personnellement innocent, peut payer les fautes de la dynastie ou du pays. C’est dans ce sens, dit Maistre, qu’il faut interpréter le mot de Platon dans Gorgias : « Le chef d’un état n’est jamais immolé injustement. »

[49] Lettre au marquis Clermont Mont-Saint-Jean, septembre 1915, OE. C, t. XIII, p. 156.

[50] Considérations sur la France, ch. II.

[51] Du Pape, 1. I, ch. v. Etude sur la Souveraineté ; OE. C, t. I, p. 550.

[52] Lettre au marquis Clermont Mont-Saint-Jean, septembre 1915, OE. C, t. XIII, p. 156.

[53] Lettre à Bonald, 1 (13) déc. 1814 ; OE.C, t. XII, p. 466.

[54] Du Pape, 1. I, ch. i. - « Dieu n’a pu mettre les lois de son église en contradiction avec celles de la nature, lui qui a fait la nature et l’église ». Ch. III.

[55] Ibid. Maistre, qui insiste sur le côté ésotérique de cette question, cite encore le mot de Saint-Martin, disant que Dieu a daigné nous accorder ici-bas, dans ce profond mystère, « une image inférieure des lois de son émanation. Vertueux époux, regardez-vous comme des anges en exil »... (Homme de Désir, § 81.) Notons à ce propos que Maistre est tout à fait d’accord avec Malthus sur le danger de l’excès de population et la nécessité de limiter celle-ci, non par le vice ni par la loi, mais par la morale, la continence et le célibat religieux. « Il faut qu’il y ait dans l’Etat un principe moral qui tende constamment à restreindre le nombre des mariages... La restreinte catholique est non seulement morale, mais divine. » Du Pape, liv. III, ch. m, § 3 ; et Principe générateur, préface. M. P. Bureau (L’indiscipline des mœurs, 1920), pense de même.

[56] Lettre à la comtesse d’Edling ; OE. C, t. XIV, p. 277. D’ailleurs, « nous connaissons bien peu les secrets du monde spirituel ». Soirées, 6e entr.

[57] Selon Vico, qui est, à certains égards, un précurseur de Maistre, la cité parfaite est, dans la pensée de Dieu, l’idée mère de toutes les cités terrestres. Si Platon n’a pu déduire de sa métaphysique la République idéale, c’est qu’il ignorait le dogme de la chute et la vraie Providence.

[58] Lettre à une dame russe, § (20) février 1810 ; OE. C, t. VIII, p. 145.

[59] Du Pape, liv. IV, ch. V.

[60] Le mot est créateur, dit la Kabbale, qui à chacune des lettres de l’alphabet hébreu sacré fait même correspondre un chiffre mystique. D’où la théorie du Verbe, intermédiaire entre le Créateur et la Création. Sur ce point comme sur celui des Nombres (cf. chapitre suivant), la pensée maistrienne a ses racines dans la théosophie.

[61] Principe générateur, § 50-59.

[62] Du pape, liv. IV, ch. V. Sur la théorie kabbalistique des Noms, cf. Eliphas Levi, la Clef des grands mystères, p. 196.

[63] P. Verlaine, Sagesse.

[64] Saint Paul. Hébr. IX, 23.

[65] Origène. Homélie, XXIX.

[66] Eclaircissement sur les sacrifices, ch. III. Le sacrifice des martyrs est d’autre part une « rédemption diminuée ».

[67] Mémoire à Brunswick.

[68] Lettre a une dame russe, OE. C, t. VIII, p. 74.

[69] Du pape, liv. I, ch. XVIII.

[70] Symbole que l’hiérophante des mystères d’Eleusis présentait à l’adoration des Initiés.

[71] ... « repas délectable, auquel l’ange n’aura lui-même qu’assisté », dit Verlaine (Sagesse).

[72] Eclaircissement sur les sacrifices, ch. III, fin. La phrase : Dieu descend et habité dans l’homme est extraite de Sénèque ; « beau mouvement de l’instinct humain qui cherchait ce que la foi possède » !

[73] Soirées, Ier entr. « La courbe que décrit Uranus dans l’espace et celle qui enferme sous la coque le germe d’un colibri, diffèrent sans doute immensément. Resserrez encore la seconde jusqu’à l’atome, ouvrez l’autre dans l’infini, ce seront toujours deux ellipses et vous les représenterez par la même formule ». « Pour mettre l’infini entre deux termes il n’est pas nécessaire d’en abaisser un ; il suffit d’élever l’autre sans limites. »

[74] Saint-Martin. Lettre à un ami sur la Révolution, p. 6.



Forum